Un disque de diamant, des concerts remplis et des critiques qui saluent son talent… Le rappeur Orelsan est aux anges, et le fait savoir. Entretien «à la cool», avant son concert à la Rockhal ce jeudi soir.
Tout lui sourit et il en profite. Son ton, alangui, paresseux, conforte l’idée que l’on peut se faire de lui : celle d’un trentenaire décontracté, jamais avare d’un rire ou d’une blague. Orelsan, 36 ans, n’a jamais été aussi à l’aise. La fête est finie, son troisième album, lui a valu trois Victoires de la musique, une reconnaissance des critiques, du public, une tournée dense et généreuse. Avant son concert jeudi à la Rockhal, accompagné de quatre musiciens, il se confie au Quotidien, évoquant le succès, la médiatisation, la scène, le rap français… Avec ce petit côté candide et ébahi qui fait son charme.
Cela fait quasi un an qu’est sorti La fête est finie. Quel rapport entretenez-vous avec ce disque, certifié de diamant en juin dernier ?
Orelsan : Ben, je suis évidemment content et fier, et je vais continuer de le défendre sur scène, pendant un petit bout de temps d’ailleurs. Il a eu un plus grand succès qu’espéré. De quoi pourrais-je me plaindre?
Quel regard portez-vous sur lui?
Disons qu’il est toujours là, il existe, ce qui est déjà pas mal… Hier (NDLR : l’interview a été réalisée mardi dernier) est sorti le clip de la chanson Paradis, et ça fait réagir. Les gens m’ont l’air content du résultat, ce qui veut dire que cet album n’est pas oublié. Moi, ça me va. Tout roule !
Mieux : la chanson Basique est devenue un mode d’expression populaire. Ça vous fait quoi de voir des avocats ou fonctionnaires revendiquer sur votre morceau ?
C’est fou, hein? C’est franchement le genre de truc qu’on ne peut pas du tout anticiper. Ça me dépasse! Personnellement, je suis très flatté de ces détournements, qui mélangent une forme de revendication et un côté fun. Tout ce que j’aime… C’est ce que j’ai voulu au départ avec cette chanson.
Le côté néfaste de la médiatisation se ressent avant tout sur les réseaux sociaux
Vous semblez être quelqu’un de détendu, discret. L’ultramédiatisation, est-ce compliqué à gérer ?
Non, ça va. À mes yeux, ça devient compliqué surtout quand on en joue… Moi, je passe quand même la plupart de mon temps sur scène, en studio ou à réfléchir sur de nouveaux projets. Du coup, je n’ai pas vraiment le temps d’y songer. Et même quand je me balade, les gens qui m’accostent sont souriants, détendus. Bref, je n’en souffre pas. Finalement, le côté néfaste de la médiatisation se ressent avant tout sur les réseaux sociaux. Là oui, ça peut être compliqué.
Beaucoup de gens louent aujourd’hui la qualité de votre écriture, décrite comme une fine observation de notre société. Selon vous, est-ce ce regard de proximité qui fait votre force ?
La méthode est classique : je traîne, j’ouvre les yeux, je prends beaucoup de notes… Ce n’était pas chez moi quelque chose de naturel. J’ai dû en effet me pousser à travailler comme ça, mais c’est, au final, assez efficace. Dès que j’ai une idée de chanson, je creuse, j’accumule, je peaufine. On ne croirait pas, non?
Il y a notamment cette chanson, caricaturale, Défaite de famille, dans laquelle tout le monde semble reconnaître au moins un oncle, une tante, un parent…
C’est vrai, et c’est souvent la première chose que l’on me dit! Soit des gens ont vécu ce genre de fête, soit ils reconnaissent certains de leurs parents (il rit). Pourtant, c’est juste un voyage humoristique au cœur d’une famille de Normandie.
« Ce brassage des influences dans le rap, c’est franchement bon »
Que pensez-vous de la scène rap en France ?
Je l’aime bien! Et j’y trouve pas mal de mes potes. Le rap, aujourd’hui, est en train de devenir la musique majeure en France. Il y a des anciens qui sont toujours là et des nouveaux qui défoncent tout. Oui, c’est un bon mélange. D’ailleurs, entre nous, on s’invite pas mal. Ce brassage des influences, c’est franchement bon pour la créativité de chacun.
Vous tournez comme un forcené, surtout depuis l’été. Comment appréhendez-vous la scène?
Cet été, on a fait 28 festivals… Il faut donc bien se préparer, et surtout, garder la forme. Un concert, c’est entre 1 h 30 et 2 h d’énergie, avec énormément de textes et de débauche physique. Les gens qui l’ont vu – qu’ils aient aimé ou pas d’ailleurs – constatent que j’y vais à fond. Je suis quelqu’un qui s’ennuie assez rapidement en concert : j’essaie de faire en sorte qu’on ne s’ennuie pas au mien.
Comment s’y prendre, alors ?
Cela se passe surtout au niveau des arrangements des morceaux : le principe est de trouver un juste milieu entre garder la teneur de l’album, son essence même, sans que le public ait l’impression de l’écouter depuis son salon. Avec un vrai groupe sur scène, cette orientation est favorisée. On peut ainsi appuyer sur le côté électronique de La fête est finie, tout en lui donnant, parfois, des aspects plus organiques. Et puis, j’ai toujours imaginé le concert comme un film : il faut des moments d’action, d’autres plus calmes…
Vous venez jeudi au Luxembourg. Est-ce que ce pays vous inspire pour un rap ?
(Il rigole) Je ne connais pas trop le pays, même si j’y ai déjà fait un showcase. Alors faire un rap… En plus, si je balance des méchancetés, on va m’attendre au tournant. Mieux vaut ne pas me tenter!
Quelles sont vos prochaines envies ? Du cinéma ? De la télévision ? De la musique ?
J’ai clairement envie de continuer à faire de la musique, me plonger en studio, créer des morceaux. Tant que ça me plaît, je ne vais pas me priver! Et puis, parallèlement, j’écris toujours des blagues, des idées de films, mais ce n’est pas pour tout de suite. Car je n’aime pas faire plusieurs choses à la fois. C’est bizarre parce que je finis toujours par le faire (il rit).
Entretien avec Grégory Cimatti