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Christelle Brua, la pâtissière jamais au bout du rouleau


"Parfois je suis obligée d'être rigoureuse par exemple quand je fais du sucre soufflé. Mais j'ai besoin de ce petit brin de folie pour tout ce qui est créatif". (photo AFP)

Elle a appelé « 50 fois par jour » pour se faire embaucher dans un restaurant chic à Paris où il n’y avait pas de femmes et a élevé son fils dans les cuisines : pour la pâtissière Christelle Brua, tout est faisable avec « un brin de folie ».

Cette blonde svelte de 41 ans, cheffe pâtissière au Pré Catelan, 3 étoiles au Michelin, où elle a créé la fameuse pomme en sucre soufflé, a été consacrée cette semaine meilleure pâtissière de restaurant par Les Grandes tables du monde, une association de 174 établissements, répartis dans 25 pays.

En 2003, « quand je suis arrivée ici, il n’y avait pas de femmes en cuisine, mais cela ne m’a jamais posé de problème », raconte cette maman d’un garçon de six ans, divorcée. Sa carrière est exceptionnelle dans un milieu où en moyenne on retrouve 8 femmes pour 12 hommes en salle et seulement 3 pour 14 en cuisine, selon une récente étude.

Le chef promenait le bébé

Après avoir fait ses débuts à l’Arnsbourg auprès du chef Jean-Georges Klein (3 étoiles), en Moselle, elle décide de monter à Paris « pour se faire un nom ». « Je n’envoie qu’un seul CV, au Pré Catelan, bien sûr ce qu’il ne faut jamais faire ». Pas de réponse, alors « j’ai appelé au restaurant 50 fois par jour ». C’est le chef Frédéric Anton – Lorrain lui aussi – qui finit par la recevoir et l’embaucher sur le coup. « J’y suis allée, avec du culot, de l’audace, de la volonté, de l’acharnement. J’avais un but », dit-elle.

Le chef lui demande de créer un dessert « rond et élégant », elle pense à une pomme qui évoquerait « l’enfance et les fêtes foraines », avec de la crème glacée Carambar, cidre et sucre pétillant, devenue sa création signature.

« Quand je suis tombée enceinte, on m’a dit ‘tu ne pourras plus travailler’. Pourquoi ? Je ne me suis pas arrêtée, je vivais super bien ma grossesse, j’ai continué à faire des démonstrations, à partir à l’étranger », se souvient-elle. Vingt jours après l’accouchement, elle revient aux fourneaux. « Je n’avais pas de nounou et j’ai amené mon fils au restaurant. Quand j’étais fatiguée c’est le chef qui le promenait sur un porte-bébé ». Son fils y passe toujours tous les mercredis et samedis.

Les femmes aux fourneaux

« J’étais cheffe pâtissière, j’ai repris, j’ai montré que c’était ma place même si j’avais un enfant », poursuit-elle. En plein mouvement pour améliorer la situation des femmes en cuisine, Christelle Brua refuse pour autant d’être militante.

Celle qui se dit « coquette, fan de la mode » avec ses « 50 paires de Louboutin », « capable de se changer trois fois par jour », préfère laisser parler son parcours. « J’encourage les filles à faire ce métier, c’est un métier de passion. On donne beaucoup mais à un moment donné on reçoit beaucoup », estime la pâtissière, qui compte dans son équipe « sept filles pour deux garçons », son second et demi-chef. « Les filles ont ce pouvoir d’apaisement » dans un milieu « macho », estime-t-elle.

Sa façon de travailler est atypique dans la pâtisserie où tout est une question d’extrême précision. « Quand on est pâtissier, on pèse tout, et moi je prends un peu de ça, un peu de ça, un peu de ça et je vais assembler », raconte-elle. Les équipes sont derrière pour peser et rédiger la recette. « Parfois je suis obligée d’être rigoureuse par exemple quand je fais du sucre soufflé. Mais j’ai besoin de ce petit brin de folie pour tout ce qui est créatif ».

LQ/AFP