L’homme d’affaires russe Dmitri Rybolovlev a saisi la justice américaine pour réclamer 380 millions de dollars à la maison d’enchères Sotheby’s, qu’il accuse d’avoir aidé le marchand d’art et propriétaire du Freeport Luxembourg Yves Bouvier à l’escroquer.
Un contentieux oppose, depuis plus de trois ans, le milliardaire russe, propriétaire du club de football de l’AS Monaco à celui qui fut son intermédiaire dans l’acquisition de 38 oeuvres d’art, dont 12 par le truchement de Sotheby’s.
Yves Bouvier est le principal actionnaire du Freeport Luxembourg, une structure hautement sécurisée, proche de l’aéroport du Findel, permettant à de riches collectionneurs et à des professionnels du marché de l’art d’entreposer, vendre et acheter en toute discrétion des oeuvres d’art et d’autres objets de grande valeur tout en bénéficiant d’un régime fiscal très avantageux.
Dmitri Rybolovlev accuse Yves Bouvier de l’avoir sciemment trompé quant à la valeur réelle des oeuvres, les lui revendant à un prix bien supérieur à celui qu’il avait déboursé pour les acquérir, soit plus de deux milliards de dollars. Selon une source proche de l’enquête ouverte à Monaco, le marchand d’art aurait empoché entre 500 millions et un milliard d’euros au passage.
L’homme d’affaires russe, dont la fortune est estimée à au moins 8 milliards de dollars, soutient qu’Yves Bouvier devait être rémunéré à hauteur de 2 à 5% du prix des œuvres acquises, soit le montant que les intermédiaires touchent habituellement sur le marché de l’art.
Estimations surévaluées
Dmitri Rybolovlev reproche à Sotheby’s d’avoir collaboré avec Yves Bouvier lors de l’acquisition de certaines oeuvres et de leur revente à l’homme d’affaires russe.
La maison d’enchères aurait notamment fourni à Dmitri Rybolovlev des estimations surévaluées pour faciliter la vente au prix demandé par Yves Bouvier, selon le document de l’assignation déposée mardi 2 octobre devant un tribunal fédéral de Manhattan.
Elle aurait suggéré au marchand d’art de nombreuses oeuvres dont elle savait qu’elles pouvaient intéresser Dmitri Rybolovlev, selon le document.
« Sotheby’s savait, quand il proposait ces transactions, que Bouvier prévoyait de relever le prix facturé (à Dmitri Rybolovlev) par rapport au vrai prix d’acquisition », fait valoir le milliardaire, qui a saisi la justice américaine par le biais de deux sociétés offshore, contrôlées par sa famille. « Sotheby’s a aidé et encouragé la fraude de Bouvier », affirme Dmitri Rybolovlev.
Un porte-parole de l’homme d’affaires russe a confirmé le dépôt de l’assignation mais s’est refusé à tout commentaire.
Sotheby’s s’en remet à la justice suisse
Cette « dernière action désespérée en date n’a aucune base légale », a affirmé pour sa part la maison d’enchères. Sotheby’s a rappelé avoir saisi, en novembre 2017, la justice suisse, « qui est la juridiction appropriée dans ce dossier ». Le groupe entend faire annuler la procédure intentée à New York, dans l’attente de l’issue de celle en cours à Genève.
« Sotheby’s n’avait aucune information sur ce que Bouvier faisait des pièces qu’il achetait », a affirmé une source proche de la maison d’enchères. Sotheby’s attend de la justice suisse qu’elle établisse qu’elle n’a commis aucune irrégularité.
Le contentieux le plus médiatique entre les deux hommes porte sur le Salvator Mundi, un tableau de Léonard de Vinci acquis 80 millions d’euros par Yves Bouvier qui l’a ensuite revendu 127 millions de dollars à l’homme d’affaires russe en 2013. Dmitri Rybolovlev a vendu à son tour l’œuvre aux enchères en novembre 2017 pour la somme de 463 millions de dollars, ce qui en fait le tableau le plus cher au monde. Il a été acquis par le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane.
Le Quotidien