Est-ce que le Luxembourg prend enfin un «virage vert» ? Blanche Weber, présidente du Mouvement écologique, livre une analyse sans concession des candidats au trône de ces législatives 2018. La course à la croissance mène le Luxembourg droit dans le mur, prévient-elle.
Il y a cinq ans, déi gréng arrivaient pour la première fois au gouvernement. Est-ce que partager avec eux un combat écologique vous apparente à ce parti ?
Blanche Weber : Pas du tout. Nous allons fêter en décembre le 50e anniversaire du Méco (NDLR : les verts fêtent leurs 35 ans). Et je crois que si nous avons connu un tel développement ces 50 années, c’est parce qu’on est resté politiquement neutre. On a des membres issus de tous bords politiques. Et surtout, notre but est que tous les partis politiques travaillent sur les thèmes qui nous sont chers.
Justement, peut-on dire que l’actuel gouvernement a impulsé un « virage vert » au Luxembourg ?
Vous savez, l’écologie est un combat très vaste. Et il ne date pas d’hier. Je pense, par exemple, aux parcs naturels créés il y a 30 ans au Luxembourg. Ou encore à l’opposition au projet de construction d’une centrale nucléaire à Remerschen (abandonné en 1978). Je pense aussi à Robert Krieps (LSAP), le premier ministre de l’Environnement au Luxembourg, qui a soutenu activement l’année européenne de l’Environnement en 1987… Donc il y a eu différentes phases dans la progression de l’écologie au Luxembourg. Mais il est vrai que le développement fulgurant de notre économie et de l’économie globale a précipité les choses. Les défis sont devenus encore plus urgents.
Extrait du programme gouvernemental en 2013 : « Les principes du développement durable constitueront la ligne directrice transversale » de cette législature. Cinq ans après, promesse tenue ?
Pas assez. Le positif, c’est qu’on a constaté un meilleur dialogue entre les ministères. Le ministère du Développement durable a notamment su davantage se faire entendre. Mais l’intégration des enjeux environnementaux dans tous les secteurs politiques n’est toujours pas à la hauteur. Par exemple, malgré quelques avancées, on n’a pas réussi à entamer un changement fondamental de la politique agraire. Comme l’a dit Nicolas Hulot (NDLR : l’ex-ministre de l’Écologie français), tout le monde voit la dégradation des terres, de l’eau, de la biodiversité… Mais l’État subventionne et génère toujours une politique agraire qui se fait au dépend de nos ressources naturelles, et de nos agriculteurs aussi. Nous, on prône naturellement l’agriculture biologique, mais aussi une agriculture dite « traditionnelle » plus respectueuse de l’environnement. Mais on ne peut forcer les agriculteurs à changer de modèle du jour au lendemain.
Vous avez estimé, lors d’une récente table ronde, que la croissance était le thème central de ces élections 2018. Pourquoi plus que le logement, l’identité, la mobilité, ou que sais-je encore ?
Il y a deux raisons. La première, comme Monsieur Hulot l’a dit, c’est que notre modèle économique et sociétal va dans le mur. Je crois que les gens n’ont pas assez conscience de la perte de biodiversité effrayante qui a lieu.
Entretien avec Romain Van Dyck
A lire en intégralité dans Le Quotidien papier du 8 octobre