Le parquet a dressé jeudi un lourd réquisitoire contre les six prévenus poursuivis pour avoir séquestré, menacé et volé un dealer de Differdange plusieurs fois.
« Les biens visés étaient des produits d’activité illicite », a entonné jeudi après-midi Me Frank Rollinger. Pour l’avocat, impossible de condamner son client pour le vol à l’aide de violences et de menaces. Car, techniquement, le dealer n’aurait pas été propriétaire. «Le vol de stupéfiants n’est pas non plus réprimé par la loi du 19 février 1973 concernant les stupéfiants», a-t-il appuyé. Et de conclure : «Toutes les circonstances rattachées disparaissent aussi, car le vol ne peut être retenu.»
«Cette affaire a fait arrêter un dealer», a renchéri quelques instants plus tard Me Pim Knaff, qui défend deux autres prévenus. Le parquet avait toutefois une autre lecture du dossier. Et surtout, il avait une réponse à la question juridique soulevée par Me Rollinger. La marijuana est certes un bien illicite, ça, le ministère public ne le conteste pas. Mais d’après le texte de loi, il ne faut pas que l’objet volé soit un «objet légal» pour qu’on puisse parler de soustraction. Conclusion : «La drogue et l’argent soustraits au dealer n’appartenaient pas aux auteurs, mais à autrui. Donc il y a bien eu soustraction frauduleuse.»
Tout au long des débats, les prévenus ont tenté de sauver leur peau, soit en contestant leur présence sur les lieux du crime, soit en minimisant leur rôle. «Certes la victime n’est pas exempte de tout reproche. Oui, c’est un dealer qui a eu un business lucratif. Mais ce n’est pas parce qu’on est délinquant qu’on ne peut pas être victime et qu’on est d’office menteur», leur a rétorqué le substitut principal Martine Wodelet.
Séquestration, extorsion, vol à l’aide de violences et menaces et blanchiment. Voilà les infractions que le parquet reproche aux prévenus. «Le dealer était une proie facile. Comme il était un criminel, ils pensaient qu’il n’irait sûrement pas se plaindre. Ils n’ont eu aucun scrupule à recourir à la violence.»
Machette et fer à repasser chaud
Le premier fait reproché remonte à l’été 2012. Dans un appartement à Audun-le-Tiche, le dealer raconte avoir été menacé et séquestré à l’aide d’une machette et d’un fer à repasser chaud. On aurait tenté de lui extorquer 20 000 euros. Son calvaire aurait pris fin quand ses agresseurs avaient pu mettre la main sur les 500 g de marijuana qu’il avait cachés dans un bois au Pakebierg à Belvaux. De l’avis du parquet, la victime n’a pas menti : «Il s’auto-incrimine. Il reconnaît avoir déjà vendu de la drogue en 2012.»
Une nouvelle attaque avait eu lieu le 29 décembre 2014 au soir. En l’espace d’un mois, le dealer avait été trois fois visité à son domicile à Differdange. Armés d’un pistolet ou d’un couteau, les agresseurs auraient notamment soustrait 2 kg de marijuana, 30 000 euros en liquide et un sac de stupéfiants. La dernière fois, ils s’en étaient pris à son ami qui promenait son chien. «Ils l’ont kidnappé pour faire plier le dealer à leurs exigences», analyse le substitut principal. C’était le 25 janvier 2015. Après ce fait, le dealer avait décidé de tout déballer à la police. La suite, on la connaît.
Les peines requises par le parquet au bout de six jours de débats sont lourdes. En raison de leurs antécédents spécifiques, la gravité et la répétition des faits ainsi que de la légèreté de leur passage à l’acte, il demande 18 ans de réclusion contre les prévenus «Goma» et José M. Seize ans ont été requis contre Sandro S. «Même s’il se présente ici comme un enfant de chœur, il est très dangereux. Il intimide des témoins», considère le substitut principal. Contre David D. qui n’a pas d’antécédents, le parquet demande 10 ans. La peine la moins sévère requise – 8 ans – est pour Kevin D. : «C’est le seul dont la version coïncide avec celle des témoins.» Enfin, le prévenu Luis D., qui ne s’est pas présenté à son procès, risque 16 ans de réclusion.
Prononcé le 7 novembre.
Fabienne Armborst