Après le titre mondial, des milliers de Kylian Mbappé en herbe vont gonfler les effectifs du football amateur, une vague bleue parfois difficile à gérer : « le robinet s’est ouvert d’un coup » et les clubs risquent d’être submergés.
L’épopée russe de l’équipe de France? Côté pile, un élan formidable pour le sport de masse. Côté face, un casse-tête pour certains des 15.000 clubs de l’Hexagone, pressés d’accueillir les nouveaux férus de ballon rond. « Le robinet s’est ouvert d’un coup mais il faut avoir le récipient qui ait une contenance assez suffisante pour ne rien renverser. Et, pour le moment, les verres sont un peu trop petits », commente Damien Ledentu, directeur général délégué de la Ligue Occitanie.
L’argent n’est pas le premier frein mais plutôt le manque de terrains parfois, d’entraîneurs et de bénévoles d’autres fois. A Lyon, « le président du FC Gerland me disait récemment : on ne peut pas (prendre tous les jeunes), on a un seul terrain et 500 licenciés », rapporte ainsi Bernard Barbet, président d’une Ligue Auvergne Rhône-Alpes comptant près de 259 000 licenciés en fin de saison dernière. Le dirigeant s’attend à voir ses effectifs gonfler de « presque 5% », un phénomène classique après un grand tournoi de football, surtout quand les Bleus y excellent.
Hausse d’environ 10%
A chaque fois ou presque, le foot des villes et des campagnes est confronté à une crise de croissance : +50 000 licenciés la saison suivant l’Euro-2016 (finale), +180 000 après le Mondial-2006 (finale) et un peu moins (presque 178 000) après l’obtention de la première étoile mondiale en 1998 en France. Si « l’effet Mondial-2018 » n’est pas encore mesurable, « la tendance devrait être une augmentation de l’ordre de 10% », avance-t-on du côté de la Fédération française de football (FFF), la première en France en nombre de licenciés, avec 1 977 562 recensés en fin de saison dernière, dont 8% de femmes.
Cependant, accroître les effectifs n’est pas un objectif en soi, précise la Fédération, assurant que « sa principale préoccupation est d’abord de bien accueillir les licenciés dans les clubs ». La qualité avant la quantité : c’est aussi le crédo de Damien Ledentu, une position indispensable selon lui pour surfer le plus longtemps possible sur la vague bleue. « Le plus difficile c’est de fidéliser » les nouveaux arrivants, les encadrer, leur donner la possibilité de jouer, même si leur niveau n’est pas excellent, dit-il. Sinon, « ils vont rester sur le carreau une fois, deux fois, et la troisième, ils vont dire : maman, papa, je veux plus y aller ».
Le temps plus que l’argent
Pour l’ancien arbitre du championnat de France (1998-2011), « les parents cherchent avant tout un club qui est structuré, avec des entraîneurs diplômés pour pouvoir confier leurs enfants dans de bonnes conditions ». C’est le choix fait par l’US Jeumont (Nord), premier club du latéral des Bleus Benjamin Pavard, dont les inscriptions chez les jeunes ont été multipliées par trois après le Mondial. « Il a fallu recruter un éducateur supplémentaire et on a fait le choix de la qualité, avec un entraîneur qui travaille dans un club professionnel en Belgique, à Charleroi », explique son président, Hamza Farchiche. L’argent n’est pas un problème, selon lui, « le plus difficile reste de trouver des bénévoles ».
La FFF rappelle avoir débloqué, mi-septembre, une enveloppe supplémentaire de 10 millions d’euros à destination du football amateur, à ajouter aux plus de 80 millions d’euros (29,5 millions d’aides aux ligues et districts, 21 aux clubs, 24,1 aux clubs nationaux et 5,5 pour l’animation du football amateur) votés avant le Mondial pour l’exercice 2018/2019. « Il faut convenir que, par rapport à certaines époques, on a quand même une aide qui est très correcte », se félicite Bernard Barbet, l’ancien président de la Ligue du football amateur (LFA) vantant par ailleurs le niveau des structures sportives « en nette amélioration par rapport à 98 ».
LQ/AFP