Ils aspiraient à devenir la première formation politique en balayant les partis de « l’établissement » aux législatives du 9 septembre: très loin du compte, « Les Démocrates de Suède » se heurtent-ils à un plafond de verre? En troisième position derrière les sociaux-démocrates et les conservateurs avec 17,6% des suffrages, le parti d’extrême droite progresse de 4,7 points par rapport aux législatives de 2014.
C’est moins qu’entre 2010 et 2014 (+7,2), et surtout, très en-deçà des espoirs de son président, Jimmie Åkesson, qui, quelques heures avant le dépouillement, disait encore escompter entre « 20 et 30% » des voix. Loin aussi de nombreuses enquêtes d’opinion dont les plus favorables leur prêtaient jusqu’à 26% d’intentions de vote. Un revers? « Pas du tout », affirme Mattias Karlsson, président du groupe au Riksdag, le parlement monocaméral suédois, considéré comme son idéologue. « Tous les partis veulent être aussi haut que possible mais nous sommes les grands vainqueurs des élections », assure-t-il en revendiquant une position de « faiseur de rois ». Après avoir largement sous-estimé le vote d’extrême droite, les instituts de sondage ont révisé leurs instruments de mesure, au point pour certains de le surestimer, fait-il valoir.
Il n’en demeure pas moins qu’ils n’ont pas réalisé la percée attendue et que les sept autres formations parlementaires continuent pour l’instant de les tenir à l’écart. « Le coeur de leur électorat, ce sont des hommes blancs de la classe ouvrière, mais ils ont élargi leur base avec davantage de femmes, d’immigrés et d’urbains », relève Anna-Lena Lodenius, journaliste spécialisée dans les droites radicales. « Ils peuvent encore grappiller trois ou quatre points » et se hisser au niveau de l’extrême droite ailleurs en Europe, en Suisse ou en Autriche, ajoute-t-elle.
Que 25% des ouvriers et 15% des électrices
Premier parti chez les hommes (25%), ils n’attirent « que » 25% d’ouvriers et 15% des électrices, deux catégories qui restent davantage acquises aux sociaux-démocrates. Chez les primo-votants et les employés/cadres, son score est aussi de 15%. « Nous pensons toujours pouvoir progresser chez les catégories comme les femmes, les syndiqués, les électeurs d’origine étrangère », affirme Mattias Karlsson qui sur Facebook lundi promettait à ses troupes « la victoire ou la mort ».
Si l’immigration et l’intégration ont occupé une bonne partie de la campagne électorale, les nationalistes « se sont heurtés à une forte contre-offensive idéologique » menée par les écologistes, les ex-communistes et le Centre, parti membre du bloc d’opposition de centre-droit, note Anders Neergaard, professeur à l’université de Linköping. Conservateurs et chrétiens-démocrates ont par ailleurs capté une partie des électeurs en marchant sur les plate-bandes programmatiques de l’extrême droite. Quitte à prendre parfois des accents presque islamophobes ou à souligner l’héritage judéo-chrétien de la Suède. Dans l’ensemble, la carte géographique et sociologique du vote d’extrême droite n’évolue pas dramatiquement.
« Ils progressent partout, mais ils sont forts là où ils l’étaient déjà et faibles là où ils sont généralement faibles », par exemple dans les grandes agglomérations (Stockholm, Göteborg et Malmö), relève Anders Sannerstedt, professeur à l’université de Lund. Selon les experts, deux facteurs peuvent à terme être déterminants: la place des « Sverigedemokraterna » dans le rapport de force parlementaire dans les années à venir, et la réussite ou l’échec de l’intégration des centaines de milliers de demandeurs d’asile accueillis depuis 2012.
Risque de radicalisation ?
« S’ils ne gagnent pas l’influence espérée, il y un risque manifeste qu’ils se radicalisent », analyse Anna-Lena Lodenius. « Ils peuvent dès lors capitaliser ou perdre des électeurs ». En cas de vaste compromis entre la droite et la gauche, les Démocrates de Suède « apparaîtront comme le seul parti d’opposition », renchérit Anders Sannerstedt. Si l’intégration s’améliore, « l’immigration sera perçue comme moins problématique ». Mais « rien n’indique que cela sera le cas » avec un défi majeur pour absorber sur le marché du travail les actifs nés à l’étranger, dont le taux de chômage est le quadruple des Suédois nés en Suède.
Au niveau local, les Démocrates de Suède ont dans leurs bastions du sud remporté aux municipales – tenues également le 9 septembre – plus de mandats qu’ils ne présentaient de candidats. La faute « aux menaces d’exclusion sociale, sur le lieux de travail, dans les syndicats. On craint de perdre des amis ou son travail. Dans ces conditions il est difficile de recruter », plaide Mattias Karlsson. Pour Anders Sannerstedt, malgré ses succès électoraux, « SD reste un parti largement détesté ».
AFP