La Turquie a promis vendredi de répliquer si les Etats-Unis décident, comme ils ont menacé de le faire, de durcir leurs sanctions liées à la détention d’un pasteur américain, lesquelles ont déjà nettement fragilisé la livre turque.
Au moment où le gouvernement turc s’efforçait de rassurer les marchés à propos de la solidité de son économie, le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin a prévenu jeudi que Washington prendrait des sanctions supplémentaires si Ankara ne libère pas le pasteur Andrew Brunson. « Nous avons répliqué (aux sanctions américaines) en accord avec les règles de l’OMC et nous continuerons de le faire », a réagi vendredi la ministre turque du Commerce, Ruhsar Pekcan, citée par l’agence étatique Anadolu.
Alors que la crise diplomatique entre les deux alliés de l’Otan ne montre aucun signe d’apaisement, la livre turque, qui a pourtant repris des couleurs cette semaine après une spectaculaire débâcle, piquait à nouveau du nez vendredi. Vers 09h30 GMT (11h30 au Luxembourg), la livre turque perdait ainsi près de 5% sur la séance face au dollar, effaçant ses gains de la veille et tombant à 6,1246 pour un billet vert.
Le pasteur Brunson, au cœur de la tempête diplomatique entre les deux alliés de l’Otan, a été placé le mois dernier en résidence surveillée après plus d’un an et demi d’incarcération. Ankara l’accuse d’espionnage et d’activités « terroristes », ce qu’il dément. « La Turquie a profité des Etats-Unis pendant beaucoup d’années », a lancé sur Twitter le président américain Donald Trump jeudi soir. « Ils retiennent notre merveilleux Pasteur Chrétien, à qui je dois maintenant demander de représenter notre Pays en tant qu’otage patriote ». « Nous ne paierons rien pour la libération d’un homme innocent », a-t-il ajouté. Un tribunal turc a rejeté mercredi la levée de l’assignation à résidence du pasteur américain, mais son avocat a indiqué qu’une autre cour de plus haute instance devait encore se prononcer.
« Minimum nécessaire »
Le ministre turc des Finances Berat Albayrak, par ailleurs gendre du président Recep Tayyip Erdogan, s’était efforcé jeudi de rassurer les marchés, au cours d’une téléconférence inédite avec plusieurs milliers d’investisseurs. Il a assuré que son pays « émergerait encore plus fort » de la crise de la livre, dont la valeur a fondu d’environ 40% par rapport au dollar cette année. Il a par ailleurs indiqué que son pays n’était pas en contact avec le Fonds monétaire international pour un éventuel plan d’aide et qu’Ankara n’aurait pas recours au contrôle des capitaux.
Pour Capital Economics, la performance de Berat Albayrak a été « modérément convaincante ». Les autorités « ne semblent vraiment avoir fait que le minimum nécessaire », poursuit le cabinet dans une note à ses clients. Lors de la téléconférence, Berat Albayrak « n’a pas pris en compte pourquoi la confiance en la Turquie s’est évaporée ».
Les économistes restent préoccupés par la dispute entre Ankara et Washington mais aussi par la mainmise de Recep Tayyip Erdogan sur l’économie. Les marchés ont sévèrement sanctionné le refus de la banque centrale de relever ses taux d’intérêt le mois dernier, en dépit de la chute de la monnaie nationale et d’une inflation galopante. Le président turc, partisan de la croissance à tout prix, s’y oppose fermement.
Dans la tourmente financière, la Turquie a néanmoins reçu un soutien de poids mercredi : le Qatar a promis d’investir 15 milliards de dollars dans ce pays. Par ailleurs, Recep Tayyip Erdogan s’est entretenu cette semaine avec la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron, signe qu’Ankara veut se rapprocher de l’Europe après deux années de tensions liées à la situation des droits de l’Homme en Turquie. La justice turque a ordonné mardi la libération de deux soldats grecs et mercredi du président d’Amnesty International en Turquie, des décisions inattendues dans deux affaires très critiquées en Europe.
Le Quotidien/AFP