Ricardo Caetano vient de lancer Sens Parfée, une boutique de parfum générique. Rencontre avec un «nez» passionné, qui veut développer ce business audacieux au Luxembourg.
«Quand je me suis marié, j’ai pris dans ma valise une vingtaine de parfum!», nous explique Ricardo, tout à fait sérieux. Mais pourquoi? «Parce que j’en change constamment, plusieurs fois par jour. Selon mon état d’esprit, le moment de la journée, la météo, l’évènement…» Alors que la canicule est étouffante, il utilise par exemple «un parfum frais, mais avec des notes orientales, et un peu boisées. Le soir, je mettrais un parfum aux notes plus aromatiques.»
Auxiliaire graphique, manutentionnaire, électricien, salarié dans un magasin de décoration… Difficile de trouver un fil rouge dans la vie de ce touche-à-tout, sinon celui qui lie sa tendre enfance au Portugal à son dernier projet au Luxembourg : le parfum. «Depuis toujours, j’adore les parfums. J’adorais l’odeur de l’after-shave de mon grand-père. Je cherchais des petites plantes pour en faire moi-même…» Pas la peine donc de lui demander ce qu’il emporterait sur une île déserte : «Même si on m’interdisait de prendre du parfum, je chercherais des fleurs et des plantes pour m’en faire», rit-il.
«Tout le monde n’est pas riche»
Nous le rencontrons dans sa boutique «Sens Parfée» à Ettelbruck. Un rêve devenu réalité grâce à une rencontre faite il y a un an, dans un centre commercial : un vendeur de parfums génériques. Il a d’abord réagi en passionné : «Je lui ai dit que je n’aimais pas les copies. Et puis j’ai senti ses parfums. J’étais bluffé. J’en ai acheté plusieurs, car il ne faut jamais juger trop vite. Un parfum, c’est comme un bon vin, il faut le laisser s’aérer.» Et de nous expliquer les trois stades du parfum : «Il y a déjà les notes de tête, celles qu’on sent dès qu’on se parfume. Puis les notes de cœur, qui apparaissent une heure ou deux après, et enfin les notes de fond, celles qui durent pendant des heures.»
Le produit générique le séduit. Son âme d’entrepreneur se réveille. Mais il ne trouve pas de franchise au Luxembourg. Après des mois à sonder le marché, à tester moult génériques, il tombe sur les produits d’un laboratoire espagnol dont il préfère taire le nom. Il commercialise ses premiers flacons génériques dans un stand d’un supermarché de Diekirch. Les clients, curieux, affluent et se fidélisent : il sent que le marché du parfum générique est porteur. Étonnant, dans un pays riche, non? «Tout le monde n’est pas riche au Luxembourg : il y a quand même plus de 40 % d’étrangers, et de nombreux Luxembourgeois qui ne peuvent pas se payer un parfum à plus de 100 euros…»
En juin dernier, il ouvre donc son magasin à Ettelbruck. Ambiance retour aux sources : décoration «vintage», parfums présentés dans des bocaux en verre. Il y vend aussi des parfums d’intérieur et de voiture, ainsi que des cosmétiques bios. Sa gamme se compose d’une centaine de parfums qui «s’inspirent» de parfums connus. Il annonce la couleur dès l’entrée de la boutique, sur un tableau qui liste ses références et leurs équivalences en grande marque. Avec cet avertissement : «Nous ne vendons pas des copies. Nous vendons des parfums génériques», à savoir «des parfums qui sont inspirés ou qui rappellent les parfums de grandes marques».
Pas des copies, des génériques!
Les parfums sont vendus dans des flacons neutres et rechargeables, de différents styles. Côté prix, à l’exception de six parfums aux essences rares, donc plus coûteux (33 euros les 50 ml), les autres sont tous au même prix : une quinzaine d’euros les 30 ml, et une vingtaine les 50 ml (avec le flacon, la recharge étant un peu moins chère).
On remarque aussi que la mention du parfum de marque qui a servi d’«inspiration» ne figure pas sur le produit vendu. On trouve au contraire des numéros peu prestigieux : M237, un «parfum boisé aromatique pour homme, plein de classe, de jovialité, et polyvalent», ou encore W185, un «parfum floral pour femmes. Simple mais sophistiqué. Entre l’innocence et la maturité». Ces petits résumés, écrits par Ricardo, figurent sur sa page Facebook.
Il insiste sur la distinction entre les copies qui inondent le marché noir et ses génériques : «Les copies de parfum, on les reconnaît d’abord à leur emballage, qui ressemblent plus ou moins aux originaux. Et côté parfum, c’est très approximatif, ils utilisent plus d’alcool car c’est moins cher que les essences… Nous, ce sont de vrais parfums. Et on ne vend que des eaux de parfum, donc de meilleure qualité que les eaux de toilette.»
Il nous présente par exemple le M228, «inspiré» d’un parfum de marque connu. «Eh bien, je pense que le nôtre est beaucoup mieux», affirme-t-il. «Je suis convaincu qu’il ne faut pas toujours payer plus pour avoir la qualité. La preuve, certains parfums de marque perdent leur parfum trop rapidement. Les gens paient aussi beaucoup trop le marketing avec les marques.»
À chacun, évidemment, de lui donner raison ou pas. Car en matière de parfum, votre nez est le seul à pouvoir juger si l’«inspiré de» vaut, voir dépasse l’original!
Romain Van Dyck