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Allemagne : le seul accusé d’un attentat raciste en 2000 acquitté


Ralf Spies, caché par un classeur et entouré de ses avocats, a été acquitté pour 12 tentatives de meurtre à caractère raciste survenues en 2000. (Illustration : AFP)

Un tribunal allemand a acquitté mardi le seul suspect d’un attentat raciste il y a 18 ans, une affaire qui avait choqué le pays et laisse désormais un goût amer à l’accusation et aux parties civiles.

Ancien militaire allemand et figure connue de la scène néonazie de Düsseldorf, Ralf Spies encourait la prison à vie pour 12 tentatives de meurtres alors que l’attaque avait fait dix blessés dont six juifs. L’acquittement de l’accusé de 52 ans se dessinait depuis le mois de mai, lorsqu’il avait été remis en liberté par la cour qui considérait que les éléments à charge étaient insuffisants.

Le suspect, qui porte des tatouages nazis, a toujours nié avoir posé puis déclenché à distance une bombe le 27 juillet 2000 dans la gare de trains de banlieue de Wehrhahn à Düsseldorf. L’attaque avait fait 10 blessés parmi un groupe de douze personnes originaires de pays d’ex-URSS sortant d’un cours d’allemand. Six des victimes étaient de confession juive. Une femme ukrainienne enceinte de cinq mois, avait perdu son bébé.

Des témoignages « pas suffisamment » étayés

L’attaque avait ébranlé l’Allemagne et déclenché 55 ans après la chute du IIIe Reich un vif débat sur la violence d’extrême-droite à laquelle le pays est régulièrement confronté. Entendu peu après l’attentat, le suspect avait été relâché, faute de preuves. L’enquête s’était ensuite enlisée pendant de longues années, malgré près de mille interrogatoires.

Ralf Spies a finalement été interpellé en février 2017, la police ayant obtenu notamment le témoignage d’un codétenu en 2014 à qui il aurait confié lors d’une brève incarcération avoir « fait sauter des « basanés » dans une gare », des aveux contestés par la défense. Un autre codétenu, Holger P., a aussi témoigné que l’accusé lui avait fait des confidences. Ralf Spies lui aurait dit que la mort dans l’attentat du bébé à naître était une « euthanasie réussie ».

Mais la valeur de ces témoignages a été mise en cause en mai par le tribunal qui les a considérés comme « pas suffisamment étayés », conduisant à la remise en liberté du suspect. La défense avait expliqué, elle, que son client était un « affabulateur » pour expliquer ces confidences, rapporte l’agence dpa.

« La pire erreur judiciaire de l’Histoire judiciaire de Düsseldorf »

Face à l’imminence d’un acquittement, les parties civiles avaient exprimé leur incompréhension et leur colère la semaine dernière: ça sera « la pire erreur judiciaire de l’Histoire judiciaire de Düsseldorf », a estimé l’avocat Juri Rogner. Le procureur Ralf Herrenbrück s’était, lui, démené pour obtenir la condamnation de celui qui tenait à l’époque des faits un magasin de surplus militaire voisin de l’école de langues où étudiaient les victimes. Il avait requis la prison à vie. Ralf Spies « se sentait investi d’une mission, celle de garder son quartier « propre » », a plaidé le procureur.

Le procès a été aussi marqué par les tensions entre M. Herrenbrück et le président du tribunal, Rainer Drees. Selon le Spiegel, l’animosité a culminé peu après la libération de Ralf Spies, car la cour a mis 11 jours à informer le procureur que l’accusé avait formulé des menaces de mort à l’encontre du représentant du parquet.

Avec cet acquittement, l’affaire s’achève donc sur un épilogue humiliant pour les enquêteurs qui avaient célébré l’arrestation en 2017 de Spies. A l’époque, la mise en cause de Ralf Spies était vue comme une victoire contre les milieux racistes, en pleine période de résurgence des attaques contre les étrangers à la suite de la crise migratoire qui a vu arriver en Allemagne plus d’un million de demandeurs d’asile.

Autre motif de satisfaction alors, l’interpellation tranchait avec les défaillances policières dans une autre affaire retentissante, une dizaine de meurtres racistes dans les années 2000. Ceux-ci avaient été commis par un trio néo-nazis, le groupuscule « Clandestinité nationale-socialiste » (NSU), mais les policiers avaient délaissé pendant des années la piste raciste. Ce n’est qu’après la mort de deux des tueurs que la police découvrira qu’elle avait affaire à un groupe « terroriste » d’extrême droite. La seule survivante du groupe, Beate Zschäpe, a été condamnée en juillet à la perpétuité après des années de procès rocambolesque.

Le Quotidien/AFP