Le champion national a fait jusqu’ici un Tour de France régulier, mais comme il a cédé du temps en montagne, il est descendu sous la barre fatidique d’un top 10 très relevé.
Jeudi matin, dans la touffeur de la minuscule cité de Trie-sur-Baïse, Bob Jungels a effectué une légère moue de retour au pullman de l’équipe Quick-Step Floors. Il revenait de signer la feuille de départ au podium. «Quelle chaleur…», soufflait-il avec un petit sourire.
Hier, le peloton a évidemment souffert de la canicule et cela recommencera à coup sûr, aujourd’hui, entre Lourdes et Laruns, sans qu’un miracle puisse venir en aide à ces pénitents de l’effort. Le champion national pointe en 13e position au classement général à quelque 14’20 » de Geraint Thomas.
Cela paraît assez conséquent et ça l’est. Mais cela reste peu ou prou dans les clous qu’il s’était lui-même fixé, même si le Luxembourgeois est resté jusqu’ici le plus clair de son temps dans le peloton, appliqué à suivre le rythme fou des Sky. Et ce n’est évidemment pas infamant, car 13e dans ce Tour de France relevé comme jamais ces dernières années, il faut pouvoir le rester. «Regardez les coureurs qui sont devant lui, ils sont tous plus âgés que Bob», nous faisait remarquer l’autre jour à Millau avec justesse, Henri, son père, venu dans cette dernière semaine en famille supporter son fils.
Œuvrer pour la cause collective
D’une année à l’autre, il y a évidemment mille et une manières de vivre son Tour de France et pas une ne se ressemble. En 2015, débarrassé de toute pression, puisqu’il découvrait la Grande Boucle, il s’était payé le luxe de briller en dernière semaine, libre de ses mouvements puisque son retard au classement général était conséquent.
Cette année, c’est son compagnon de chambrée et son ami Julian Alaphilippe, qui à chaque exploit, ne manque jamais de signaler à la presse qu’il a reconnu les grandes étapes de ce Tour avec le Luxembourgeois. Mais le Français attire tous les regards, toutes les félicitations. Toutes les attentions.
Ce n’est pas nouveau, le Tour est aussi cruel. Il ne partage rien avec le reste du calendrier qu’il phagocyte volontiers, trois semaines durant, avant de se faire oublier et de revenir l’année qui suit comme si de rien n’était. «Fernando Gaviria a eu le maillot jaune, remporté deux étapes. Julian (Alaphilippe) est unique, c’est un lion, un gamin, un talent spontané, il nous donne tant de plaisir», faisait remarquer Patrick Lefevere dans un entretien dans L’Équipe, hier matin. Et Bob Jungels? «Il est 13e, n’a-t-il déjà pas fini 6e et 8e du Giro où les cols sont plus durs?», faisait-il remarquer sans aucune acrimonie, car il sait que son leader luxembourgeois a beaucoup œuvré pour la cause collective en début de Tour. Mais ce même Bob Jungels doit aujourd’hui se débrouiller seul pour sauver sa peau. Et assurer son maintien dans le top 15, voire l’améliorer.
À l’attaque avec Alaphilippe?
À l’évidence, Bob Jungels n’est pas encore parvenu dans ce Tour de France à réaliser son objectif de départ qui mêlait un top 10 et un succès d’étape. Ne chipotons pas, il n’en est pas loin non plus, même s’il lui reste, selon son père Henri, à «continuer de progresser en montagne, comme à s’acclimater à la chaleur, ce qui vient toujours en vieillissant».
D’ailleurs pour replacer ce Tour de France dans son propre cheminement, le même Bob Jungels avait eu cette remarque à propose de Tom Dumoulin : «J’ai fait les ascensions du Giro avec lui. Je ne crois pas qu’il ait fait six pas en avant et moi trois pas en arrière…»
D’ailleurs, le Luxembourgeois, qui goûte avec joie à l’euphorie de son pote Julian Alaphilippe, pourrait, pourquoi pas, bien avoir l’occasion de redresser fièrement la tête à partir de ce vendredi. «Avec le Tourmalet et l’Aubisque, je pense qu’il y a moyen de bien faire les choses. Jusqu’à il y a une semaine de cela, je pensais que ce serait l’étape clé de ce Tour», reconnaît Bob Jungels, qu’il n’est donc pas exclu de voir sur le front de l’attaque. «C’est possible, on va en discuter ce jeudi soir ou vendredi matin, nous disait hier Tom Steels, directeur sportif de Quick-Step. Pour le moment, Bob n’est pas en mauvaise condition. Mais il lui manque un petit quelque chose pour être dans le top 10. Il n’y a rien à redire. Il se bat. Il est à sa place. Le Tour ne ment pas, Bob est là où il doit se trouver. Mais il lui reste deux étapes importantes à courir.»
S’il se détache en effet, avec pourquoi pas, son pote Alaphilippe qui partira comme ces derniers jours en chasse pour ses derniers points, alors il est évident que l’équipe Sky lui fichera une paix royale. Seules les équipes concurrentes pour le fameux top 10 bougeront à partir du moment où leurs propres positions seront menacées…
Puis restera le chrono de samedi
Voilà pour le plan A. Il faudra, quoi qu’il arrive, avoir les jambes dans cette étape de franche montagne. Les cartes seront forcément rabattues ce vendredi, avec de nouveaux écarts enregistrés. Et le top 15 de nouveau chamboulé.
Puis il restera le chrono de samedi. «Je sais que ce contre-la-montre devrait bien convenir à Bob. C’est une autre option», poursuit Steels.
Nous reviennent en mémoire les propos du champion national lundi dernier dans l’ultime étape de repos : «Je peux déjà dire que ce Tour 2018 était une très grande expérience pour moi.» Mais chaque chose en son temps…
De notre envoyé spécial à Pau, Denis Bastien