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Les communistes veulent faire payer les églises tchèques


La splendide église baroque de Zelena Hora (centre) fait parti des biens qui seront impactés par la taxe que veulent mettre en place les communistes. (Photo : Gampe / Wikipédia)

Les Églises en République tchèque se révoltent contre le projet du Parti communiste de taxer les biens qui leurs ont été restitués par l’Etat après la chute du communisme en 1989.

En vertu d’une loi de 2012 et des accords avec l’Etat tchèque, 17 confessions ont le droit de récupérer des biens d’une valeur allant jusqu’à 75 milliards de couronnes (2,9 milliards d’euros) saisis par le régime communiste après la Seconde Guerre mondiale.

Parmi ces biens figurent notamment la splendide église baroque de Zelena Hora (centre) le château de Kromeriz (est) inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, ou près de 40 000 hectares de terres, dont de lacs, des vignobles ou des forêts, récupérés déjà par l’Eglise catholique.

Les Eglises doivent recevoir par ailleurs une compensation de 59 milliards de couronnes (2,3 mds EUR) sur 30 ans pour les biens qui ne peuvent être restitués en nature.

Mais le parti communiste propose d’imposer, à partir de l’année prochaine, les revenus de cette indemnisation à la hauteur de 19%, estimant que le niveau de restitutions était excessif.

Le projet de loi est susceptible d’être soutenu par le Parlement en raison du poids des communistes (15 sièges) sur le nouveau gouvernement minoritaire du milliardaire populiste, le Premier ministre Andrej Babis, grâce auxquels il a remporté le vote confiance jeudi.

« Cela nuira à la fois aux églises et à la société », a déclaré le père Stanislav Pribyl, secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques tchèques.

« Comment pouvez-vous imposer une taxe sur ceci? Nous sommes le créancier et l’Etat est le débiteur ici, c’est ahurissant », a-t-il ajouté.

Imposé par l’URSS, le Parti Communiste a dirigé la Tchécoslovaquie entre 1948 et la chute du régime en 1989, quatre ans avant que le pays ne se divise en République Tchèque et en Slovaquie.

« Un scandale »

« Les communistes ne se sont jamais coupés de leur passé, ils ont provoqué des dommages économiques, ruiné des vies et la santé des gens », a déclaré Pribyl.

« Si ces gens veulent maintenant imposer une taxe sur l’indemnisation, qui est un remède partiel à toute cette injustice, c’est un scandale », a-t-il ajouté.

Le député communiste Vladimir Konicek, un des auteurs de la loi, attire l’attention sur le fait que dans certains cas les églises engagent des poursuites contre les municipalités dans des litiges concernant des bâtiments et des terrains qui, selon lui, sont déjà couverts par les indemnisation.

« Ce qui est scandaleux, c’est le montant, en fin de compte, ils peuvent obtenir le paiement et, si le tribunal dit oui, les biens aussi, donc ils auront le double », a-t-il dit.

Le mois dernier, le chef du gouvernement, lui-même ancien membre du parti communiste dans les années 1980, a indiqué n’avoir aucun problème avec le projet de l’impôt.

Le magnat, qui a fait fortune dans les secteurs de l’agriculture, des médias et de la chimie avant de lancer son parti populiste ANO en 2011, est, quant à lui, accusé d’une fraude aux subvention européenne, accusation qu’il rejette. Il est également accusé d’être un agent de la police secrète communiste avant 1989, ce qu’il nie catégoriquement.

« Audit international »

Affirmant que la compensation offerte aux Eglises est « 54 milliards de couronnes plus élevée qu’elle ne devrait l’être » M. Babis, lui-même ministre des Finances entre 2014 et 2017, insiste sur le fait que « cela doit être imposé ».

Selon le père Pribyl, le niveau de compensation a été approuvé par un audit international.

Avec plus d’un million de croyants, les catholiques romains constituent le plus grand groupe religieux du pays, largement laïque.

Les croyants sont une minorité dans ce pays de 10,6 millions d’habitants, avec 3,6 millions de personnes s’identifiant comme non-croyants, tandis que cinq millions de Tchèques ont laissé la case religion vide lors du recensement national en 2011.

Le projet de l’impôt fait froncer les sourcils parmi les commentateurs et a provoqué la colère du dessinateur populaire Miroslav Kemel, qui a visé Babis à propos de sa fraude présumée à la hauteur de deux millions d’euros de subventions de l’UE pour sa ferme Stork Nest.

Dans un dessin publié le mois dernier, un prêtre raconte à Babis: « C’est comme si vous retourniez deux millions d’euros pour Stork Nest à Bruxelles et que vous vouliez leur imposer une taxe! »

Le Quotidien / AFP