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Luc Holtz, de retour de Russie et amoureux des Bleus


Le sélectionneur verrait bien Mbappé remporter le prochain Ballon d'or. (photo Editpress/Gerry Schmit)

Luc Holtz a assisté à quelques rencontres de la phase de poules du Mondial-2018. Il en est revenu un peu déçu par le football de possession, avant de retomber amoureux de l’équipe de France.

Le sélectionneur national a tweeté pour féliciter les Bleus après leur qualification en quarts, où la Suède pourrait les rejoindre. Et si les deux «sortants» du terrible groupe A des éliminatoires du Mondial finissaient dans le top8, embellissant encore un peu plus la prestation des Roud Léiwen ?

Samedi, vous avez tweeté pour féliciter Didier Deschamps et l’équipe de France de leur succès sur l’Argentine.

Luc Holtz : Et je l’ai fait sincèrement ! Pas mal d’experts manquent de respect à beaucoup de coaches en place. Le jour où Zinédine Zidane a décidé d’arrêter avec le Real Madrid, beaucoup de gens voulaient déjà le mettre à la place de Didier Deschamps. C’est un manque de respect par rapport à un homme qui effectue un très bon travail. Rien que parce que certains remettent ça en cause ou exigent un changement de sélectionneur, j’aimerais voir la France championne du monde. En plus, on les a joués deux fois et à chaque fois, joueurs et staffs étaient très ouverts. Ils m’inspirent de la sympathie en plus de posséder des joueurs exceptionnels.

Qu’avez-vous pensé de la performance de Mbappé face à l’Albiceleste ?

Rappelez-vous, j’ai fait la remarque après notre match contre les Bleus à Toulouse (NDLR : match nul 0-0 en éliminatoires du Mondial, le 3 septembre 2017) : si lui ne devient pas un jour Ballon d’or, alors c’est que quelque chose, quelque part, ce sera mal passé. On a déjà joué Cristiano Ronaldo, mais je n’ai jamais vu une telle explosivité. Il m’avait fait une telle impression avec ou sans ballon. Même au niveau cognitif, il était au-dessus…

N’a-t-on pas vécu une vraie transition ce week-end ? Les éliminations de Cristiano Ronaldo et Messi ne dessinent-elles pas la fin d’une époque ?

Oui. D’ici deux ans, ces deux joueurs vont commencer à avoir un certain âge et il leur sera de plus en plus difficile de « performer ». Alors que Mbappé a 19 ans et qu’il va encore s’améliorer avec l’expérience. Des fois, quand tu es jeune, tu manques de régularité, tu peux te retrouver dans le dur après un match exceptionnel.

Vous qui allez devoir voter en fin d’année, peut-il terminer Ballon d’or ?

En tout cas, le Ballon d’or pourrait bien échapper à Cristiano Ronaldo et Messi. Imaginez : si la France est championne du monde et que Mbappé nous ressort ne serait-ce qu’un match de ce niveau… En tout cas, il suffit de l’observer pour voir à quel point il prend du plaisir.

On imagine qu’il ne vous a pas échappé que mardi soir, à l’issue des deux derniers huitièmes de finale, il pourrait y avoir les deux équipes présentes dans votre groupe de qualification qualifiées en quarts de finale ?

Imaginez : si le Luxembourg avait tenu en échec les champions du monde, chez eux, quelques mois avant leur sacre ! Oui, ça donnerait une importance supplémentaire à notre exploit. La Suède, je suis quand même surpris, même si on n’élimine pas les Pays-Bas (NDLR : qui faisait aussi partie du groupe A) et l’Italie comme ça, qu’on ne passe pas 3-0 au Mexique par hasard. Cela prouve une certaine qualité. L’absence d’un Ibrahimovic, joueur excellent mais fort égoïste, fait que tout le monde s’investit désormais à fond et c’est comme cela que ça fonctionne. J’avais déjà chambré mes collègues allemands en leur faisant remarquer que d’autres bonnes équipes avaient perdu contre la Suède (NDLR : privée des 8e, la Mannschaft a vu la Suède finir 1re du groupe F neuf mois après avoir infligé un terrible 8-0 aux Roud Léiwen).

Quels sont selon vous les grands enseignements du Mondial jusqu’à présent ?

On dirait bien que la possession que tout le monde citait en exemple depuis quelques années, avec une Espagne qui a dominé le monde comme ça, aujourd’hui, c’est un petit peu passé. En tout cas, disons que ça a moins d’importance. Rien que l’Espagne contre la Russie m’a énervé un petit peu. Ça joue trop en largeur. Ce n’est plus aussi spectaculaire qu’avant. Même quand ils avaient la possibilité d’effectuer des transitions offensives rapides, ils ne le font pas. Les 30 derniers mètres adverses, ils n’y vont pas. Tu pourrais carrément ôter le but, ce serait la même chose. La possession juste pour le principe d’avoir le ballon, ça ne sert à rien. Si ce n’est pas pour se créer des occasions, alors je m’en fous ! On ne doit jamais perdre de vue cet aspect-là.

Entretien avec Julien Mollereau