A contre-courant de la plupart de ses partenaires européens qui voudraient réduire l’afflux de migrants, le gouvernement portugais mise lui sur l’immigration pour enrayer le déclin démographique.
« Nous avons besoin de plus d’immigration et nous ne tolérons aucun discours xénophobe », clamait le Premier ministre portugais Antonio Costa sous les applaudissements des militants socialistes lors du congrès de son parti à la fin mai. Témoignant de sa politique d’ouverture, le Portugal a été cette semaine parmi les premiers pays à accepter d’accueillir une partie des migrants qui se trouvaient à bord du navire humanitaire Lifeline.
Et, quelques heures avant que les dirigeants de l’Union européenne ne parviennent vendredi à un accord âprement négocié sur ce sujet clivant, l’exécutif socialiste lusitanien prenait des mesures pour devenir plus attractif. « Cela a été un sommet très difficile et le consensus apparent exprimé dans l’accord ne cache pas les divisions profondes qui menacent aujourd’hui l’Union européenne », a regretté Antonio Costa à l’issue de la réunion de Bruxelles en rappelant que son pays prône une politique « responsable et solidaire » en matière de migrations.
Besoin annuel de 75 000 nouveaux résidents
Fils d’un écrivain indien originaire de l’ancien comptoir colonial portugais de Goa, Antonio Costa a fait de la question démographique un des principaux axes du programme politique qu’il défendra lors des prochaines élections législatives, prévues à l’automne 2019 et pour lesquelles il apparaît en tête des sondages. D’après une étude de la Fondation Francisco Manuel dos Santos, dont les conclusions servent de base à la stratégie gouvernementale, le Portugal a besoin de 75 000 nouveaux résidents chaque année rien que pour maintenir une population active stable, qui aujourd’hui ne compte déjà que pour la moitié du total de 10,4 millions d’habitants.
Dans ce contexte, l’exécutif socialiste a adopté jeudi en Conseil des ministres plusieurs mesures pour simplifier les procédures de demande de visa soumises par des étudiants ou par des entrepreneurs voulant créer une start-up. Ce décret ouvre également la voie à un « mécanisme de régularisation » de quelque 30 000 ressortissants étrangers qui sont entrés au Portugal légalement, mais qui ensuite s’y sont installés sans autorisation de résidence ni de travail. Au cours des trois années de récession qui ont suivi la crise financière de 2011, plus de 300 000 Portugais ont quitté leur pays en quête de meilleures conditions de vie, parmi lesquels de nombreux jeunes diplômés.
Les étrangers ne restent pas forcément
En 2017, le solde migratoire portugais est redevenu positif pour la première fois depuis six ans, a constaté l’Institut national des statistiques. Toujours l’an dernier, les autorités portugaises ont délivré 61 400 nouveaux permis de résidence, soit une hausse de 31% sur un an, ce qui s’est traduit par une hausse de la population étrangère de 6%, à 422 000, selon un rapport de la police des frontières publié mercredi. Le pays a renoué avec la croissance, notamment grâce au boom de la filière touristique et de l’investissement étranger dans l’immobilier mais, selon les représentants du patronat, la reprise reste bridée par un manque de main d’œuvre qualifiée.
L’accord européen obtenu vendredi prévoit notamment que les migrants secourus dans les eaux européennes soient répartis dans les différents États membres de l’UE, sur une base volontaire. Le Portugal participe déjà à un programme volontaire de réinstallation de réfugiés en Europe proposé en janvier par la Commission européenne, qui vise à accueillir dans l’UE en deux ans au moins 50 000 réfugiés venant de pays d’Afrique et du Moyen-Orient.
Dans le cadre d’un précédent programme de réinstallation, qui courait de 2015 à mars 2018, le Portugal a accueilli 1 552 réfugiés, ce qui le place au sixième des pays d’accueil, derrière l’Allemagne, la France, la Suède, les Pays-bas et la Finlande. Cependant, seule une moitié d’entre eux se sont fixés au Portugal, les autres l’ayant aussitôt quitté pour rejoindre des pays offrant de meilleures perspectives économiques, comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, admettent les autorités de Lisbonne.
Le Quotidien/AFP