Posé au fond de la vallée de l’Eisch, la château d’Ansembourg fait l’objet d’une campagne de restauration. Percluse de mérule, un champignon dévastateur, la demeure âgée de 400 ans revient de loin.
Le château d’Ansembourg est l’un de ceux de la vallée des sept châteaux. Sa construction débute en 1640, elle est initiée par Thomas Bidart qui souhaite y développer une activité sidérurgique. Déjà maître de forge à Dinant, dans les Ardennes belges, il lance avec succès l’activité à Ansembourg. La maison du maître de forge est toujours debout, il s’agit même de l’élément central du château. Les ailes qui la prolongent ont été construites au XVIIe siècle. La forge, tirant son énergie de l’Eisch qui baigne les très beaux jardins, est également toujours visible.
Au XIXe siècle, avec la Révolution française en toile de fond, la famille part vivre en Belgique et n’utilise le château plus que comme pavillon de chasse. C’est alors que sont construites les écuries où les chevaux peuvent manger dans des mangeoires en pierre taillée qui sont toujours là.
En 1986, une ruine qui prenait l’eau
Au cours du XXe siècle, le château se fane et devient pratiquement une ruine lorsque son nouveau propriétaire (lire par ailleurs) le rachète en 1986. Un pan de toiture était tellement vétuste qu’une bonne partie de l’édifice a pris l’eau. L’état général était tel qu’il était impossible de songer à des restaurations partielles, il était nécessaire de revoir l’intégralité de la structure du bâti.
Le programme de rénovation a débuté en 1996 et, à l’époque, les travaux n’ont pas fait dans la dentelle. À l’intérieur, l’aile restaurée accueille aujourd’hui des salles de conférence sans personnalité où les reliques du passé ont été bannies. Moquette, tenture à fleurs et cloisons mobiles donnent davantage l’impression d’être dans un hôtel d’une chaîne internationale que dans un site historique.
Mais heureusement, tout a changé depuis une dizaine d’années. La rénovation du bâtiment central, le plus ancien, est sous la responsabilité de l’architecte Ngoma Madoki (atelier MDK). «Ma philosophie est de faire parler le bâtiment, sans rien lui imposer», explique-t-il.
Les travaux ont toutefois nécessité de lourdes interventions, la faute à une forte présence de mérule. «Il s’agit d’un champignon qui vient de la pierre, qui se nourrit de la cellulose du bois et va chercher l’humidité dans les enduits», avance Ngoma Madoki. Bref, il peut contaminer et complètement fragiliser l’intégralité des murs et, au final, laminer l’intégrité architecturale d’un édifice. «Si la mérule est trop présente, il n’y a pas de solution : il faut tout brûler», lance l’architecte. Heureusement, malgré une contamination étendue, le château a pu être sauvé, mais il fallu déployer les grands moyens. Dans les cas les plus graves, il a fallu abattre des murs intérieurs.
«En 10 centimètres, 400 ans d’histoire»
La mérule a toutefois eu un effet positif : puisqu’il a fallu enlever les enduits pour traiter les murs, on a désormais une bien meilleure image de l’histoire de la construction du château, et notamment de sa décoration intérieure. «En 10 centimètres d’enduits, nous avons retrouvé 400 ans d’histoire», illustre Ngoma Madoki.
Ancien escalier, anciennes ouvertures, niche sculptée puis comblée… Les découvertes inattendues ont été nombreuses. Le Service des sites et monuments nationaux (SSMN), qui accompagne avec attention la rénovation, a même exigé que les enduits soient déposés couche après couche, pour que l’on puisse reconstituer les décorations intérieures successives. Une vraie fouille archéologique à la verticale!
Ce travail en profondeur a également permis de détecter et corriger des défauts structurels. Le grand escalier de bois qui parcourt toute la hauteur du bâtiment a ainsi été redressé. Il penchait de 17 cm vers l’intérieur. Une poutre massive qui pliait sous le poids de la charpente a également été renforcée pour éviter qu’elle ne se rompe. Les vitres ont été remplacées à l’identique. Comme les anciens, les nouveaux carreaux ont été soufflés. À l’aide de sa canne, l’artisan souffleur façonne un tube de verre qu’il découpe ensuite au ciseau et l’étale pour l’aplatir.
Avec l’appui du SSMN, qui participe au financement de la rénovation, le château est en train de retrouver sa stature. Selon le représentant du propriétaire, les travaux représentent un investissement de 12 à 13 millions d’euros alors que l’édifice avait été acheté au comte d’Ansembourg pour 1 million d’euros en 1986.
Erwan Nonet
Une isolation à base de chanvre
C’est une curiosité : l’enduit qui recouvre les murs à l’intérieur du château est composé de chanvre et de chaux aérienne. «Le béton de chanvre est composé d’un granulat calibré de chanvre et la chaux fait office de liant», explique Yannic Santandreu, le responsable du fabricant français BCB Tradical (basé à Besançon). Ce granulat de chanvre est en fait un sous-produit de l’extraction des fibres végétales. «Le chanvre que nous utilisons provient de la plus grande exploitation d’Europe, à Bar-sur-Aube.»
Ce matériau dispose de nombreux atouts. D’une part, il est naturel et l’association de ces deux composants lui octroie des avantages certains. «Le béton de chanvre régule l’hygrométrie des volumes de la pièce, mais aussi des murs, ce qui renforce son caractère isolant. Il offre de très bonnes propriétés thermiques et acoustiques», souligne le fabricant. Les murs du château sont ainsi recouverts d’une couche de 7 à 10 cm de ce béton créé il y a 22 ans par la société BCB. Il convient parfaitement pour la rénovation de bâtiments historiques puisqu’il est complètement réversible, c’est-à-dire qu’il est possible de le retirer sans altérer la structure du bâtiment.
Avertissement
e château d’Ansembourg est la propriété de Sukyo Mahikari, un organisme japonais répertorié dans la liste des sectes par le rapport parlementaire français n° 2468, publié le 22 décembre 1995. Ce reportage porte uniquement sur la valeur patrimoniale de la restauration du château, seuls les professionnels qui effectuent les travaux y sont interrogés.