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Elles nous volent notre travail !

C’est un scandale vieux comme le monde, et personne ne s’en offusque. Osons le dire : les abeilles nous volent notre travail. La crise ? Elles en font leur miel en régnant sur un marché colossal, vital même : la nature.

Cependant, elles ont fait une erreur fatale : nous sous-estimer. L’homme a déjà prouvé qu’il pouvait être pareil à la fourmi : corvéable à merci, s’abrutissant dans des tâches répétitives, et prêt à tous les sacrifices pour le bien de la colonie.

Mais l’homme-abeille ? Vous nous imaginez, jouant les acrobates pour polliniser chaque fleur de chaque pays ? Les butineuses se marrent : impossible…

Mais impossible n’est pas chinois. Si le dragon asiatique est capable de réaliser la copie conforme d’un iPhone ou du Château de Versailles, ce n’est pas un bête insecte qui va lui rester en travers de la gorge. Prenons les agriculteurs du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine. Comme les abeilles ont un coup de mou, les paysans ont pris le relai. Dès la floraison des vergers, ils récoltent le pollen, le font sécher, puis, avec une petite plume, fécondent les fleurs, inlassablement… Et le miracle de la nature s’accomplit. Une belle revanche, et une preuve d’évolution à faire rougir Darwin.

Évidemment, c’est à ce moment que les écolo-réac sortent du bois : l’homme userait de concurrence déloyale, à coup de pesticides. L’université du Maryland vient d’affirmer que les apiculteurs (ces collabos qui rêvent d’un «IIIe Ruche»), enregistraient des pertes record dans leurs colonies d’abeilles, surtout dans la «Corn Belt», la région des grandes cultures, les plus gourmandes en pesticides.

Un drame ? Du tout. C’est la simple loi du marché. Une loi mal comprise par le célèbre botaniste Jean-Marie Pelt. Lors d’une récente conférence à Luxembourg, il a affirmé que si l’homme devait remplacer les abeilles, cela «coûterait chaque année 153 milliards de dollars». Erreur : ce ne serait pas une perte, mais une formidable opportunité. Imaginez un peu les emplois créés ! Et le Grand-Duché a une carte à jouer, car les pesticides y ont la vie dure.

Bel effort, mais insuffisant. Il faut voir plus loin, être proactif : n’abandonnons pas ce marché aux chinois. Créons des diplômes de pollinisateurs.

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)