Le Mondial-2018 est une immense « flirt zone » pour les Russes et les étrangers. Reportage sur place.
« Et de quatre! » Agustin Otelo ne compte pas les buts marqués par l’équipe argentine de football au Mondial-2018 mais les numéros de téléphone obtenus auprès de jeunes filles russes lors d’une après-midi dans un parc à Moscou. Avec son maillot de foot rayé bleu et blanc, l’Argentin mise sur « le facteur exotique » pour « trouver l’amour », assure-t-il. Lui et ses amis rivalisent pour savoir qui obtiendra le plus de numéros. « On ne sait pas quoi faire entre les matches, on s’est dit qu’on pouvait essayer de mieux connaître le peuple russe », s’amuse l’ingénieur de 26 ans.
Le match de Tinder
Sur leurs téléphones, les selfies de jeunes filles défilent grâce à l’application de rencontres Tinder. « Il y a beaucoup de compétition, à cause du nombre d’hommes venus en Russie pour le Mondial« , explique-t-il. « Et très peu de filles parlent anglais ou espagnol. » Dans les rues de la capitale, la barrière de la langue ne semble pas empêcher les Russes et les milliers de supporters de discuter, voire plus si affinités.
Des rencontres qui ne sont pas du goût de la députée communiste Tamara Pletneva, à la tête du Comité de la Douma (chambre basse du Parlement) de la Famille: ne couchez pas avec des étrangers, au risque de devenir des mères célibataires, a-t-elle lancé en guise d’avertissement aux jeunes femmes russes avant le Mondial. Les Russes doivent « donner naissance à (leurs) propres enfants », et les enfants nés d’un père de « race différente (…) souffrent beaucoup », a affirmé l’élue de 70 ans, provoquant l’indignation sur les réseaux sociaux russes.
Les femmes russes « décideront elles-mêmes », a rétorqué le lendemain le porte-parole du Kremlin.
« Multiplier les opportunités avec les étrangers »
Maria S., une jeune Russe de 25 ans, attendait « avec beaucoup d’impatience la Coupe du Monde, car elle multiplie les opportunités de rencontres avec des étrangers ». « C’est peut-être sa principale qualité », ajoute en souriant la jolie brune qui a pris des cours d’anglais en prévision. Son amie Liouba, elle, parle trois langues étrangères couramment. « C’est un atout. D’habitude j’ai deux ‘dates’ par semaine, là, j’en ai quatre. Je suis obligée d’en refuser », se réjouit la jeune fille, qui habite à Nijni-Novgorod, à l’est de Moscou.
Ni Maria ni Liouba ne se font d’illusions: leurs amoureux repartiront dans leurs pays une fois la Coupe du monde terminée. « C’est un peu comme les amours de vacances, sauf que nous, nous restons ici », regrette Liouba. Au-delà des rencontres amoureuses, Maria s’assure investie d’une mission: « Changer l’image de la Russie ». « Les touristes viennent ici avec des clichés en tête, je pense qu’ils s’attendent à voir des femmes faciles et habillées vulgairement (…) je voudrais changer ce cliché », affirme très sérieusement l’étudiante en arts.
En mai, sous le titre « Que faire pour avoir sa chance avec une femme russe? », la Fédération argentine de football a publié un manuel avec des recommandations pour séduire les Russes. Ces conseils ont suscité un tollé, considérés comme sexistes et caricaturaux.
Une effervescence qui rappelle d’autres grands événements
La fan zone du Mondial-2018, construite près de l’Université d’Etat de Moscou, est devenue une « flirt zone », s’amuse le quotidien gratuit « Metro », exemple à l’appui. Alors qu’un supporter brésilien venait d’embrasser sur la joue la jeune journaliste du journal, un compatriote lui a expliqué: « C’est normal il veut te mettre dans son lit, comme tout le monde ». Pour les plus âgés, cette effervescence amoureuse rappelle celle qui régnait lors de grands événements internationaux à Moscou, comme les jeux Olympiques de 1980 en pleine Guerre froide. Cités en « triste exemple » par la députée Tamara Pletneva, les JO avaient été suivis par une hausse des naissances d’enfants de couples mixtes, selon elle.
Elena, 51 ans, se souvient elle du Festival de la jeunesse soviétique, organisé à Moscou en 1985 et lors duquel elle est tombée amoureuse de Giorgos, un jeune Grec. « On avait 19 ans, on a passé trois jours ensemble, puis il est parti. On s’est écrit pendant quelques mois: je devais demander à une amie de traduire mes lettres en anglais. Ensuite on a arrêté », se rappelle-t-elle. « Aujourd’hui, il y a les nouvelles technologies, ce n’est plus l’URSS, on peut voyager facilement », affirme-t-elle. « Les jeunes qui se rencontrent pendant le Mondial pourront rester ensemble. »
LQ / AFP