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Indemnisation chômage des frontaliers : Nicolas Schmit écrit à la commission européenne


Le ministre du travail luxembourgeois Nicolas Schmit a écrit un courrier ce mardi matin à Jean-Claude Juncker (Photo d'illustration : Julien Garroy).

Le ministre du travail luxembourgeois Nicolas Schmit a écrit ce mardi à la Commission européenne, en l’occurrence à Jean-Claude Juncker, pour tenter d’inverser la tendance sur le règlement modifiant l’indemnisation chômage des frontaliers.

Le contexte

Le Luxembourg indemnise pour le moment ses chômeurs frontaliers à hauteur de trois mois, le reste étant assumé par les états de résidence. Avec le nouveau règlement européen, il pourrait se voir imposer une indemnisation complète à hauteur de douze mois. La commission européenne travaille sur ce dossier depuis un certain temps déjà, constatant un système injuste envers les états de résidence, qui se voient contraints d’indemniser des chômeurs sur leurs fonds propres, alors que ces derniers ont cotisé dans un pays tiers. C’est le cas de la France par exemple, qui perd près de 600 millions d’euros par an en assumant l’essentielle de la charge des chômeurs frontaliers, notamment envers la Suisse (qui bénéficie du règlement) et le Luxembourg.

Les dangers pointés par Nicolas Schmit

Mais cette mesure ne serait pas sans conséquence pour le Grand-Duché, qui verrait ses budgets d’indemnisation chômage augmenter de fait, étant donné que le pays compte presque 45% de travailleurs frontaliers.  La lettre de Nicolas Schmit évoque une nouvelle dépense annuelle d’environ « 86 millions d’euros représentant un accroissement de la charge financière de 194% par
rapport au statu quo ». Le ministre s’inquiète donc : « Au-delà de la charge financière substantielle pour le Luxembourg, le changement de paradigme imposerait une charge administrative exagérée à l’Adem en raison d’un quasi doublement du nombre des chômeurs pour lesquels elle deviendrait compétente, et ce dans le contexte où depuis plus de sept ans, le Luxembourg est en train de réformer structurellement l’Adem, engageant notamment à améliorer la qualité des services offerts aux résidents et aux frontaliers dont certains, à savoir les personnes reclassées, bénéficient déjà complètement des allocations luxembourgeoises et d’un suivi. »

Le ministre poursuit : « Au regard des modifications que [la Commission] envisage au règlement (CE) 883/2004, le Luxembourg craint fortement que tous les efforts nationaux effectués au cours des dernières années ne soient tout simplement anéantis, alors que notre agence pour le développement de l’emploi ne serait plus en mesure d’assurer, à court et à moyen terme, un service public de qualité. En conséquence, j’aimerais vous rendre attentif au fait que ledit changement de paradigme porterait atteinte à des aspects importants de notre système de protection sociale, notamment pour ce qui est du champ d’application, du coût et surtout de la structure financière. Il affecterait, au détriment des demandeurs d’emploi, le bon fonctionnement de notre service public de remploi qui serait gravement désorganisé. Seule une période transitoire substantielle, conjuguée à l’exigence d une durée d’affiliation minimale du travailleur frontalier de douze mois, nous permettrait de mettre en place une nouvelle organisation de l’Adem, ainsi qu’une augmentation conséquente de ses ressources afin de la préparer aux défis structurels qu’entraînerait l’adoption d’une nouvelle législation européenne telle que proposée. »

Le ministre Nicolas Schmit rappelle par ailleurs que les associations de frontaliers sont également opposées à la réforme. Effectivement, les frontaliers bénéficient pour le moment du meilleur des deux mondes : des cotisations salariales peu élevées au Luxembourg, et des indemnisations chômages parfois plus sécurisantes dans leur pays de résidence, comme c’est le cas avec le système français par exemple. Entre les intérêts des uns et des autres, quelle voie commune pour l’Europe ?

Hubert Gamelon