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Toxicomanie au Luxembourg : la difficile prise en charge des consommateurs chroniques


Le länder de Sarre fait toujours face à un difficile problème de drogue dure (Photo d'illustration : Fabrizio Pizzolante).

L’association experte en addictologie Suchtverband Lëtzebuerg plaide pour une politique responsable et efficace de prise en charge des personnes souffrant d’un problème de dépendance.

Tout le monde ou presque préfère fermer les yeux sur la misère que traînent avec eux les toxicomanes et autres individus souffrant d’un problème d’addiction. Le Suchtverband Lëtzebuerg, une fédération d’acteurs de terrain qui plaide pour leur prise en charge sérieuse, lance un appel aux décideurs politiques à travers les conclusions de son congrès national organisé à l’automne dernier en coopération avec l’université du Luxembourg.
Les quelque 150 collaborateurs du secteur social œuvrant dans le domaine des addictions y ont alors défini six sujets «prioritaires» pour le Luxembourg, puis des groupes de travail ont émis des solutions et indiqué «les attentes envers l’État».
C’est la ministre de la Santé, Lydia Mutsch, qui a eu la primeur des conclusions du symposium, présentées hier par le président du Suchtverband, Jean-Nico Pierre, et le secrétaire général, René Meneghetti.

La conférence s'est déroulée à l'abbaye de Neuemünster, lundi (Photo : Fabrizio Pizzolante).

La conférence s’est déroulée à l’abbaye de Neuemünster, lundi (Photo : Fabrizio Pizzolante).

Pour élaborer une politique de santé et de recherche scientifique dans le champ de la dépendance, il faut d’abord bien connaître la situation actuelle. Le premier des six sujets retenus concerne l’égalité sociale pour l’accès aux soins. Seules les personnes résidentes et bénéficiaires du Revis (qui remplace l’ancien revenu minimum garanti) peuvent être prises en charge médicalement.

600 toxicomanes n’ont pas d’affiliation

L’association rappelle que 600 personnes n’ont actuellement pas d’affiliation et que 300 d’entre elles ont un problème d’addiction. Hormis la prise en charge en cas d’urgence, il est quasi impossible de les soigner en cas de maladie chronique et infectieuse. Ne parlons pas du sevrage et d’une thérapie à long terme.
Les experts jugent cette situation discriminante et plaident pour une affiliation universelle sans période de carence. Pour plus de transparence, l’association suggère que la personne dépendante soit accompagnée et suivie par un service social.
Les toxicomanes et autres alcooliques souffrent souvent d’un trouble psychique quand ce n’est pas de plusieurs, et ils sont rarement traités. Alors il faut bien sûr plus de moyens humains mais également mieux former les médecins, le personnel paramédical et éducatif. Il faut aussi des soins psychiatriques surtout pour les structures dites de bas-seuil (aide sociale et médicale de base comme l’hébergement d’urgence par exemple) et développer la prévention. Il s’agit ici d’instaurer les doubles diagnostics.

Consommateurs vieillissants
Le vieillissement des toxicomanes est un phénomène observé partout dans le monde. Réduction des risques et produits de substitution y sont pour beaucoup. Mais cette «longue carrière de consommation de substances psychotropes» les isole, tandis que leur vieillissement est accéléré de 15 ans par rapport aux non-consommateurs. Ils vivent dans la misère et ont fréquenté au cours de leur vie des prisons et des services de psychiatrie. Il faudrait créer de nouvelles structures adaptées aux besoins spécifiques de cette population, selon les spécialistes qui ont planché sur la question.
Ils plaident également pour instaurer une formation en addictologie à l’Uni.lu et c’est d’ailleurs le premier souhait qui sera exaucé, puisqu’un curriculum sur l’addictologie et la dépendance sera instauré dans le cadre du bachelor en sciences sociales et éducatives qui débutera en septembre 2018. Le Suchtverband estime qu’il est temps de lancer une étude relative aux besoins des toxicomanes vieillissants.
Il y a les jeunes aussi. Pour ceux-là, qu’ils soient consommateurs ou pas, il faut «un accompagnement dans leur développement vers l’âge adulte». Cela se traduit par un travail de prévention qui doit être mené aussi bien à l’école fondamentale que dans les lycées, en passant par les maisons relais et les clubs des jeunes. Encore une fois, il faut former ces personnels en contact avec les enfants et les adolescents. Et décriminaliser les jeunes consommateurs, aussi. L’école obligatoire jusqu’à 18 ans permettrait de mieux accompagner ces jeunes.
Au Luxembourg, encore, il n’existe aucune structure de mise au travail pour les consommateurs actifs de psychotropes, surtout pour les plus vieux englués dans une routine quotidienne aux effets désastreux. Des solutions doivent être trouvées, mais «vu la complexité du sujet, une collaboration intercommunale et interministérielle est indispensable», disent les acteurs de terrain.

Geneviève Montaigu