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Cinéma : des remakes entièrement féminins


Cate Blanchett, Awkwafina, Sarah Paulson, Anne Hathaway, Sandra Bullock, Mindy Kaling, Helena Bonham Carter et Rihanna. Un sacré casting réuni pour la première d'Ocean 8 à New York. (Photo : AFP)

De Ghostbuster à Overboard en passant par la nouvelle version de Ocean’s 8, les femmes supplantent les hommes dans de nombreux remakes à Hollywood. Un phénomène qui reflète un changement dans les mentalités mais aussi une certaine frilosité, selon des observateurs.

Ocean’s 8, avec Sandra Bullock, Cate Blanchett et Anne Hathaway entre autres stars, est une version féminine de la fameuse saga de films de gangsters – Ocean’s Eleven –, qui vient de sortir en grande pompe, tandis que le remake du film avec Mel Gibson What Women Want (2000), avec cette fois Taraji P. Henson, est attendu l’an prochain.

Le nouvel Overboard, actuellement à l’affiche, a échangé les rôles de la comédie à succès de 1987 pour mettre Anna Faris dans le rôle incarné à l’époque par Kurt Russell. Les réinterprétations avec changement de genre remontent à l’âge d’or hollywoodien, avec par exemple His Girl Friday (1940) d’Howard Hawks, dans lequel Rosalind Russell joue un rôle initialement interprété par un homme dans The Front Page (1931).

Mais la tendance a récemment bénéficié du mouvement #MeToo et des tentatives des studios de remédier aux accusations de sexisme qui se sont intensifiées ces dernières années. Ces films, quant ils voient le jour, sont particulièrement attendus au tournant.

Une relative audace

Ghostbusters (2016), centré sur une équipe féminine de chasseuses de spectres menées par Melissa McCarthy et Kristen Wiig, a généré beaucoup de réactions épidermiques comparé au film culte avec Bill Murray (1984). Beaucoup de ces critiques relevaient de la pure misogynie, avec un certain public masculin de fans opposé à l’idée-même d’un remake et en particulier à une comédie féminine. Plusieurs médias estiment que le film s’est traduit par une perte de plus de 55 millions de dollars pour Sony.

Également boudé par les critiques, Overboard a toutefois déjà accumulé plus de 70 millions de dollars pour un budget de 12 millions.

Dans une industrie qui recycle beaucoup de vieilles idées et n’aime pas prendre de risques financiers, mettre un groupe de stars féminines à l’affiche d’une grosse production est donc encore considéré comme une relative audace.

Pour Kelly Konda, du blog We Minored in Film, le fait que des remakes au féminin continuent de voir le jour en dépit de quelques échecs commerciaux notoires relève d’un «petit miracle». Sandra Bullock a d’ailleurs reconnu qu’au début, elle ne pensait pas qu’Ocean’s 8 «marcherait ou que ce serait tourné».

Changement de mentalités

Certains observateurs estiment toutefois que bien que cette inversion des genres semble progressiste, elle ne va en réalité pas dans le sens de la lutte pour l’égalité des salaires ou contre le harcèlement sexuel à Hollywood. «Même si je peux m’enthousiasmer pour un film comme Ocean’s 8 (…), au bout du compte ça donne l’impression que les films ont encore besoin d’un appât masculin pour être tournés», déplore ainsi Hazel Cills, du site de pop culture féministe Jezebel. «Ces films inversant les genres sous-entendent que les femmes ne sont pas assez importantes pour avoir leurs propres histoires et doivent donc s’appuyer sur des sagas masculines qui ont déjà eu du succès», ajoute-t-elle.

Taraji P. Henson, qui remplace Mel Gibson dans l’adaptation de What Women Want, dans lequel ce dernier pouvait soudain lire les pensées des femmes, admet s’être d’abord demandé en quoi le film allait innover. «On se dit au début « les hommes aiment le sexe, manger et péter » (…). Comment vont-ils rendre ça intéressant?», a raconté la star de la série à succès Empire ou des Hidden Figures au récent colloque CinemaCon à Las Vegas. «Et puis j’ai lu le script et je me suis dit « Wow, les hommes sont aussi angoissés sur leur apparence physique que les femmes », et je pense que ce sera super pour les femmes de voir ça.»

Et pour beaucoup, la multiplication des personnages de femmes fortes à l’écran participe au changement des mentalités. Gary Ross, le réalisateur d’Ocean’s 8, a ainsi confié avoir cru au projet en voyant l’impact sur les jeunes filles de la saga post-apocalyptique Hunger Games, dans laquelle Jennifer Lawrence, alias Katniss Everdeen, se soulève contre une dictature des plus cruelles.

Pour Ocean’s 8, «je me suis rendu compte (…) qu’il n’y avait jamais eu un ensemble de femmes au top comme celui-là» alors que «tant de versions masculines» avaient été faites, a-t-il ajouté. Voilà qui est fait!

Le Quotidien