Accueil | Economie | Taxation des Gafa : Bettel rejette le plan de la Commission

Taxation des Gafa : Bettel rejette le plan de la Commission


Xavier Bettel prononce son discours devant le Parlement européen sou le regard attentif de Jean-Claude Juncker, à Strasbourg, mercredi. (Photo: AFP)

L’Union européenne doit « éviter les solutions provisoires » dans son combat pour mieux taxer les géants du numérique, comme celle proposée par la Commission a estimé mercredi le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel.

« Nous devrions éviter les solutions provisoires à court terme qui rendent les décisions permanentes encore plus difficiles à prendre », a déclaré le chef du gouvernement luxembourgeois lors d’un discours sur l’avenir de l’Europe devant les eurodéputés à Strasbourg.

La Commission européenne a présenté fin mars une proposition qui prévoit la mise en place rapide d’une taxe sur le chiffre d’affaires des géants du net, comme Facebook et Amazon, le temps qu’une solution soit négociée à l’échelle mondiale. Mais les petits pays comme Malte, l’Irlande et le Luxembourg, qui tirent profit de leur fiscalité avantageuse vis-à-vis de ces entreprises, sont opposés à cette solution « de court terme ». Or, dans l’UE, les décisions en matière de fiscalité doivent se prendre à l’unanimité.

« Pour éviter les erreurs d’interprétation: je suis en faveur d’une taxation équitable des bénéfices des sociétés internet », a développé Xavier Bettel mercredi. « Toutefois, cette taxation devrait être compatible avec la nécessité de maintenir et de renforcer la compétitivité mondiale de l’UE », a-t-il ajouté.

Xavier Bettel craint qu’une taxe seulement européenne n’handicape l’UE à l’avenir. Il plaide pour une solution globale au niveau de l’OCDE où des discussions sont déjà en court. Il avait déjà développé cet argument lors de la visite d’État du Grand-Duc en France, au mois de mars.

Juncker reprend Bettel

« Sur internet, il s’agit d’équité fiscale », lui a ensuite répondu le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker dans l’hémicycle européen. « On ne peut pas continuer a accepter que les géants de l’internet payent 8% d’impôts et que les PME payent 30%. C’est injuste et inéquitable et il faut rectifier le tir », a-t-il ajouté.

Le texte de la Commission, ardemment défendu par la France, prévoit dans un premier temps de taxer à hauteur de 3% les revenus – et non les bénéfices – générés par l’exploitation d’activités numériques. Cette taxe ne visera que les groupes dont le chiffre d’affaires annuel mondial s’élève à plus de 750 millions d’euros et dont les revenus dans l’UE excèdent 50 millions d’euros. Les Français se sont fixé l’objectif d’adopter cette proposition au plus tard début 2019.

Outre cette mesure « ciblée », la Commission a proposé une réforme de fond des règles relatives à l’imposition des sociétés, qui prendrait le relais de la première proposition de « court terme ». Cette proposition permettrait aux pays de l’UE de taxer les bénéfices réalisés sur leur territoire même si une entreprise n’y est pas présente physiquement.

La Commission européenne a notamment élaboré sa proposition suite aux révélations des LuxLeaks qui avaient montré la façon dont des géants du numérique, comme Amazon ou Apple, échappaient à l’impôt dans les pays dans lesquels ils réalisent leur bénéfice congrue grâce au système des tax rulings luxembourgeois réduisant leur taxation à la portion congrue.

Moscovici ouvert au compromis

La déclaration de Xavier Bettel devant les députés européens intervient alors qu’il y a une dizaine de jours, le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, avait regretté que la Commission européenne fasse « le forcing » avec sa proposition pour mieux taxer les géants du numérique dans l’UE.

« Nous sommes ouverts à des compromis, mais il faut rentrer dans la logique du compromis », lui a répondu la semaine dernière le commissaire européen en charge de la fiscalité, Pierre Moscovici. « Je suis d’accord qu’il faille travailler dans le cadre de l’OCDE et dans celui du G20 », a-t-il expliqué.

« Mais si nous attendons encore quelques années, nous allons nous retrouver avec un gruyère européen où un certain nombre d’États membres auront mis en place leurs propres taxes, pendant que d’autres continueront à développer des pratiques d’attractivité qui creuseront encore le fossé au sein du marché intérieur », a néanmoins prévenu le commissaire français.

Le Quotidien/AFP