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Esch : l’hôpital soigne au-delà des frontières


Le Centre Hospitalier Emile Mayrisch (CHEM) soigne aussi une clientèle transfrontalière. Où mettre le curseur ? (Photo d'illustration : Fabrizio Pizzolante)

La situation du Centre hospitalier Émile-Mayrisch (CHEM) – et plus encore celle du futur Südspidol qui le remplacera à l’horizon 2023/2024 – est particulière. Assis à deux pas de la frontière française, qui plus est à côté d’une région qui est loin d’être épargnée par la forte tension exercée sur le secteur hospitalier français en général, il pourrait se trouver dans la situation d’aimanter la patientèle de la Grande Région.

Mais des règles strictes régissent l’accès à ses services pour les non-résidents. «Les habitants de la Grande Région peuvent venir au CHEM s’ils ont une carte de la Caisse nationale de santé (CNS) luxembourgeoise», souligne le directeur de l’hôpital, Hansjörg Reimer. Tous les frontaliers qui travaillent au Grand-Duché mais qui habitent en France, en Belgique ou en Allemagne peuvent donc suivre un parcours de soins au CHEM, comme dans tous les autres hôpitaux du pays.
Pour les non-résidents qui souhaiteraient être pris en charge au Luxembourg mais qui n’y travaillent pas (et qui ne disposent donc pas d’un matricule de la CNS), c’est beaucoup plus compliqué. «Il leur faut demander une autorisation spéciale pour venir chez nous mais elles ne sont que très peu accordées, prévient le directeur. Tous les actes que nous pouvons réaliser chez nous sont également effectués en France…» Et il va sans dire que les mutuelles françaises, belges ou allemandes préfèrent rembourser des actes réalisées sur leur territoire.
Ces conditions sont les mêmes pour tous les services de l’hôpital, y compris ses domaines d’excellence que sont par exemple les services d’oncologie et de traumatologie.

15 % de patients qui n’habitent pas le pays
Il existe toutefois un service qui ne regarde pas l’adresse du patient : les urgences. «Ce n’est pas particulier au CHEM mais à toute l’Europe : toute personne qui arrive aux urgences est prise en charge», avance Hansjörg Reimer. Des conventions existent cependant entre tous les pays frontaliers pour renforcer ce principe : «Si, par exemple, un accident a lieu de l’autre côté de la frontière et que la solution la plus rapide pour soigner le patient est de l’amener chez nous, nous l’accueillons.»
Néanmoins, même si le CHEM et le Südspidol ne seront pas les hôpitaux transfrontaliers qui avaient été espérés un temps (lire par ailleurs), la règlementation actuelle suffit pour leur donner un large caractère extra-national. «Les urgences comptent 19 % de patients qui n’habitent pas au Luxembourg et les autres services, 15 %», appuie Hansjörg Reimer.
La future arrivée du Südspidol ne changera rien à ses règles. «Il s’agit d’un changement de structures, pas d’un changement de politique : aucune modification du plan hospitalier n’est prévue en corrélation avec le déménagement.»
La règle selon laquelle les hôpitaux luxembourgeois sont ceux de tous les habitants et de tous ceux qui y travaillent est donc une réalité solidement ancrée.

Erwan Nonet

Le rêve pratiquement impossible d’un hôpital transfrontalier

Lors des réflexions qui ont abouti au projet du Südspidol, le futur grand hôpital qui prendra place non loin du rond-point Raemerich et de Belval, il était question de créer un véritable centre hospitalier transfrontalier pour la région, avec l’implication des pays voisins. Mais cette volonté initiale s’est heurtée à des contextes trop différents et finalement inconciliables.

Le futur hôpital du Sud, à Esch-Sur-Alzette, tout près de la frontière française (Photo : DR).

Le futur hôpital du Sud, à Esch-Sur-Alzette, tout près de la frontière française (Photo : DR).

La fracture est aussi technologique
«Il s’est avéré que trouver des accords entre les différentes mutuelles sur la façon de rembourser les patients était impossible», explique le directeur du CHEM, Hansjörg Reimer. Les conditions de rémunération du personnel ont également été un frein rédhibitoire. Les différences de traitements entre les employés luxembourgeois et français sont d’un niveau tel qu’il était illusoire de tenter de les niveler. «La convention collective du personnel luxembourgeois est, de surcroît, bien plus favorable que celle en vigueur en France», ajoute le directeur de l’hôpital.
L’aspect technologique a été un autre trait de fracture à des négociations décidément très compliquées : «Nous sommes très en avance sur le domaine de la digitalisation, un axe très important pour nous, souligne Hansjorg Reimer. Et il n’était pas question pour nous de renier ce leadership.»
Si la promotion d’un véritable hôpital transfrontalier était une idée généreuse et porteuse d’une vision du territoire rare, elle s’est envolée face à des réalités socioéconomiques et administratives telles qu’une entente s’est révélée impossible. «C’est dommage, regrette le directeur du CHEM, car le projet aurait certainement pu profiter de subventions.»