Il y a trois ans, un jeune détenu avait mis le feu à sa cellule à Schrassig. Au deuxième jour du procès, devant la 9e chambre criminelle, la parole était aux gardiens.
Les agents pénitentiaires de service ce 27 avril 2015 au soir ne sont pas près d’oublier leur intervention. «C’était un incident comme on n’en a encore jamais eu à Schrassig», décrit l’un des gardiens de la prison entendus lundi après-midi. «Dans la cellule, il y avait tellement de fumée qu’il était impossible de voir quelque chose. C’était comme si on avait allumé un fumigène dans une petite pièce», poursuit le témoin.
Avec cinq autres collègues, il était intervenu dans la cellule 213 au deuxième étage dans le bloc P3. Au début, il était question d’une rébellion d’un détenu qui avait barricadé sa cellule avec son réfrigérateur et le cadre de la fenêtre qu’il avait arraché. Alors que le groupe d’intervention s’apprêtait à monter à l’étage, il avait appris que le détenu avait mis le feu à sa cellule.
L’agent pénitentiaire qui a signalé l’incendie parle de flammes à hauteur d’homme : «Il était 22h10 quand j’ai vu, par le judas de la porte, qu’il y avait le feu. J’ai juste vu les flammes dans la cellule.» Le personnel de la prison avait réussi à éteindre le feu.
«Les bâtards, je vous ai mis un coup de poing dans la gueule»
De l’avis de l’expert, sans mesure d’extinction, l’incendie aurait pu complètement ravager la cellule : la fenêtre était ouverte. Et à l’intérieur, il y avait suffisamment d’objets inflammables (matelas, vêtements, couette, meubles). Cependant, une propagation au troisième étage ou dans le couloir aurait plutôt été improbable, analyse le spécialiste.
Lors de leur intervention dans la cellule en feu, les agents pénitentiaires déclarent avoir essuyé toute une série de coups. «C’était comme si on s’introduisait dans un camp étranger.» Armé de son bouclier et de son casque, un gardien raconte que le détenu les a accueillis en leur jetant un bol, des fourchettes et… une chaise au nez.
Toujours selon les gardiens, trois à quatre personnes auraient été nécessaires pour immobiliser le détenu. En riant, ce dernier aurait fini par leur dire quelque chose dans le genre : «Les bâtards, je vous ai mis un coup de poing dans la gueule.» Voilà le récit des agents pénitentiaires. Un récit avec lequel les deux prévenus ne semblent toutefois pas être absolument d’accord.
«Désolé, vous mentez !», a ainsi lancé le jeune détenu de 22 ans en sortant de la salle d’audience. Le coprévenu (33 ans) qui logeait à l’époque dans la cellule avoisinante et qui est poursuivi pour lui avoir fourni l’aide nécessaire pour l’incendie, n’aura pas non plus manqué de fixer les témoins. «Je vous ai fait quelque chose ?», s’est-il adressé aux deux agents pénitentiaires quand ils se sont constitués parties civiles, via leur avocate. Ils réclament près de 53 000 euros de dommages et intérêts au total. L’un a eu une incapacité de travail de sept mois, l’autre de trois mois.
Fou de rage d’avoir été qualifié d’homosexuel
«Ce n’est pas possible qu’on termine aujourd’hui ? Je voudrais parler. Depuis tout à l’heure, j’entends des trucs pas bien», s’est encore emporté le trentenaire en fin d’audience. Dans son rapport, le policier en charge de l’enquête conclut que, sans son aide, son voisin de cellule n’aurait pas pu mettre le feu. C’est lui qui l’aurait inspiré. Car c’est lui qui lui aurait fait passer le briquet par la fenêtre.
«C’est une théorie avancée dans ce dossier que mon client aurait été coauteur, complice», s’est exclamé son avocat, Me Philippe Stroesser. Si son client reconnaît qu’il a passé par la fenêtre le briquet à son voisin de cellule, c’est parce qu’il croyait qu’il allait fumer une cigarette.
Les prévenus doivent patienter jusqu’à mercredi après-midi avant de pouvoir exposer leur version des faits. Pour rappel, à l’expert psychiatre, le principal prévenu avait confié que c’est une ultime dispute avec un surveillant qui avait déclenché la révolte. Il aurait agi sous le coup de la rage après avoir été calomnié en étant qualifié d’homosexuel.
Fabienne Armborst