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« T’as pas du G ? » : la mode du GBL, drogue proche du GHB, inquiète


Depuis quelques années, dans les boîtes de nuit, le GBL est détourné à des fins récréatives de son usage originel de solvant industriel, utilisé notamment pour nettoyer les jantes de voitures. (illustration AFP)

Dans les soirées technos parisiennes, l’engouement des plus jeunes pour le GBL, drogue proche du GHB et à l’origine de plusieurs comas cette année, inquiète les autorités et le milieu de la nuit.

« Il y a encore un an, personne ne savait ce que c’était », explique Line (prénom modifié), 25 ans, qui consomme avec ses amis du GBL dans les clubs parisiens depuis l’été dernier. « Mais aujourd’hui, à chaque soirée techno, tu entends partout : t’as pas du G ? t’as pas une pipette pour moi ? (…) Il y a vraiment un boom, surtout chez les jeunes de 18, 19, 20 ans ». Euphorie, désinhibition, sentiment de bien-être, intensification des perceptions : depuis quelques années le GBL (gamma-butyrolactone) est détourné à des fins récréatives de son usage originel de solvant industriel, utilisé notamment pour nettoyer les jantes de voitures.

Banalisé et facile à se procurer

Contrairement au GHB surnommé « la drogue du violeur », le GBL n’est pas sur la liste des stupéfiants, bien qu’interdit à la vente et à la cession au public depuis 2011. Line s’en procure pourtant avec une facilité déconcertante. « Pas de dealer (…) il suffit de taper GBL sur Google, de rentrer tes codes de carte bleue, et tu reçois une bouteille chez toi », détaille-t-elle. « Pour 20 euros tu as plus de 100 doses ». À l’aide d’une pipette graduée, Line dose la quantité exacte de GBL dont elle a besoin pour « se défoncer ».

Une fois dilué dans de l’eau et ingéré, le produit est transformé en GHB par l’organisme. Mais « il suffit d’un millilitre de trop et tu peux tomber dans le coma ». À trop fortes doses, et/ou consommé avec de l’alcool, c’est un sédatif et dépresseur respiratoire. Il peut entraîner une perte de conscience, communément appelée « G-hole », jusqu’au coma voire au décès. Ce scénario catastrophe s’est produit une fois en 2018. C’était le 9 mars au Petit Bain, un club du 13e arrondissement de Paris. Cette nuit-là, deux jeunes hommes ramassent une bouteille d’eau sur la piste de danse. Elle contient du GBL. Ils tombent dans le coma, et le plus jeune, 23 ans, décède quelques jours plus tard.

En décembre déjà, aux Nuits Fauves, non loin, deux femmes et un homme étaient tombés dans le coma. « Ils n’avaient pas de pipette, alors ils ont dosé avec un bouchon de bouteille », explique Line, qui connaît l’un d’entre eux. « Mais dans un bouchon, tu as plus de 10 doses ! » Le GBL n’est pas nouveau en France, « consommé depuis des années par la communauté gay, qui connaît bien ce produit », explique Nicolas Buonomo, coordinateur de Fêtez Clairs, un dispositif de prévention en milieux festifs à Paris. Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, « depuis environ deux ans, le GHB/GBL connaît une nouvelle diffusion dans les clubs ». Son usage « concerne aujourd’hui une population mixte (filles et garçons) et de plus en plus jeune (17-25 ans) », précise l’Observatoire. « Des nouveaux usagers qui n’ont qu’une faible connaissance du produit et des risques ».

Jusqu’à 100 comas par an

Le nombre de comas signalés aurait ainsi doublé entre 2014 et 2017. « On est sur un rythme de 50 à 100 comas par an » pour 2018, s’inquiète le préfet de police de Paris, contre 10 « il y a deux ou trois ans ». « Ce qu’il faut c’est rappeler que les dosages sont précis, et qu’en cas de surdose ou de mélange avec l’alcool, cette drogue ne pardonne vraiment pas », insiste Techno+, autre association du milieu de la nuit.

Avec cette banalisation dangereuse du « G », « aujourd’hui à chaque fois que dans nos soirées quelqu’un tourne de l’œil, on a peur qu’il tombe dans le coma », s’alarme Christophe Vix, membre du collectif Action Nuit. Le 22 mars, ce regroupement d’exploitants d’établissements du secteur de la nuit avait réclamé l’aide des pouvoirs publics. Sur les réseaux sociaux, les organisateurs des soirées multiplient les messages de prévention. Le préfet de police de Paris s’est engagé à réfléchir aux moyens de « limiter la vente de ces produits ou leur accès facile, notamment par internet », et plus largement à sensibiliser le grand public aux dangers du GBL.

Le Quotidien/AFP