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Le marché est le plus fort

En France, des personnalités de gauche, tels Michel Onfray ou José Bové, se sont engagées, aux côtés de 160 signataires, dans une tribune publiée dans le quotidien Libération «Pour l’arrêt immédiat de la gestation pour autrui» (GPA). Cette tribune fait partie d’un appel international pour l’abolition de la GPA, cette pratique qui consiste, pour une «mère porteuse», à porter l’enfant d’un couple ayant fourni ses embryons.

Les progrès scientifiques permettent, en effet, de pousser dorénavant la marchandisation du corps de la femme à l’extrême. Bien sûr, il se trouvera toujours des témoignages de «mères porteuses» expliquant qu’elles ont pu aider un couple stérile en grande souffrance, par bonté d’âme. Mais malheureusement, loin de remettre en cause ces élans philanthropiques, force est de constater que le marché est le plus fort et que ces femmes sont une exception à l’échelle mondiale. Dans les faits, ce qui arrivera – et ce qui arrive déjà par exemple en Inde – c’est que des femmes pauvres loueront leur ventre à des couples riches. C’est pourquoi, si l’on veut mettre un frein à cette nouvelle forme d’exploitation des femmes, le combat ne peut qu’être mené à l’échelle mondiale. Les ressortissants d’un pays où la GPA est interdite pourront toujours avoir recours à cette pratique dans un pays étranger où elle est autorisée. Pour un couple en désir d’enfant, être stérile est une terrible souffrance. Mais répondre à cette souffrance ne saurait passer par l’exploitation d’êtres humains à des milliers de kilomètres de chez soi.

Là s’arrêtent la théorie, la morale et les beaux discours. Au Luxembourg, le projet de réforme de la loi sur la filiation envisage d’«interdire formellement les conventions de gestation pour autrui et de prévoir des sanctions pénales en cas de non-respect de ces dispositions». Si ce projet semble aller dans la bonne direction, une question des plus pratiques apparaît immédiatement : que faire des enfants luxembourgeois nés d’une GPA à l’étranger? Les reconnaître et cautionner la GPA ou les priver d’une existence légale ?

Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)