Sélection championne d’Europe en titre, Cristiano Ronaldo au sommet de son art, le football portugais devrait vivre son âge d’or. Pourtant, ses principaux clubs traversent une saison noire, marquée par une série d’affaires de corruption et d’incessantes querelles intestines.
Avant un « classico » Benfica-Porto dimanche en championnat, les résultats sportifs pâtissent eux aussi de cette ambiance délétère, comme en témoigne l’élimination du dernier représentant portugais, le Sporting, jeudi en quarts de finale d’Europa League face à l’Atlético Madrid (0-2, 1-0). Le Portugal, qui au printemps 2011 plaçait trois équipes dans le dernier carré de la C3, a subi un lent déclin. Cette saison, le Benfica Lisbonne a signé la pire campagne européenne d’un club portugais en Ligue des champions : zéro pointé en phase de poules. Et Porto, qualifié en huitièmes, a été balayé par Liverpool en s’inclinant 5-0 à domicile.
Depuis 2013 et 2014, avec deux finales d’Europa League perdues par Benfica, les clubs lusitaniens vivent une descente aux enfers au coefficient UEFA. Jadis solide 5e, le Portugal pointe désormais à la 7e place, loin derrière la Russie et menacé par l’Ukraine. « Cette saison est vraiment l’une des plus difficiles, il y a une crise de confiance, beaucoup de conflits, il faut un changement urgent car il en va de la crédibilité de notre championnat », déplore Joaquim Evangelista, le président du syndicat des joueurs portugais (SJPF).
Pas une semaine sans polémiques
Cette saison, pas une semaine sans de nouveaux soupçons de corruption concernant les « trois grands » (Benfica, Porto, Sporting). « Le Portugal est un pays latin, un pays de polémiques, mais on vit actuellement une crise de valeurs et un climat de suspicions constant qui tuent la passion et vident les stades », constate le commentateur sportif Luis Freitas Lobo. Mi-octobre, le Benfica était visé par les magistrats dans une enquête baptisée « affaire des e-mails », sur l’existence d’un système de corruption d’arbitres visant à le favoriser… Un scandale révélé par son grand rival du nord du pays, le FC Porto. Fin janvier, c’était au tour du président benfiquiste Luis Filipe Vieira d’être inculpé en raison de soupçons de trafics d’influence autour d’un juge de Lisbonne. De son côté, Porto est soupçonné d’avoir truqué un match remporté en février sur la pelouse d’Estoril (3-1) dans la banlieue de Lisbonne.
« La justice est inefficace et manque de sérénité dans son travail », assène Joaquim Evangelista. « Il faut du courage et des positions fortes pour changer la donne. » S’il a été épargné jusqu’ici sur le plan judiciaire, le Sporting Portugal a été secoué par une crise interne sans précédent après son quart aller d’Europa League perdu à Madrid contre l’Atlético (défaite 2-0). Déçu, le président Bruno de Carvalho a publiquement critiqué ses joueurs, ce qui a entraîné une mutinerie au sein du vestiaire. A feu et à sang pendant 48 heures, la maison « sportinguista » est passée par toutes les émotions. Lors du match suivant, le dirigeant a été copieusement sifflé, les supporters lui reprochant sa mauvaise communication. Et le Sporting ne s’est pas qualifié au retour, malgré un succès 1-0. Insultes, menaces physiques, soupçons de partialité…
Arbitres sous pression
Les arbitres portugais sont sous pression permanente, à l’image de l’entraîneur du FC Porto Sergio Conceiçao, qui fustigeait « des clowns de l’arbitrage » en mars. Poussés à bout, les hommes en noir ont agité à l’automne la menace d’une grève, sans passer à l’acte. « Tout le football portugais doit être préoccupé par cette ambiance. Cela dévalorise notre football, décrédibilise ses acteurs et entraîne une perte de qualité », déclare Luciano Gonçalves, président de l’association des arbitres (APAF). Et ce malgré l’utilisation cette saison de l’assistance vidéo (VAR), censée apaiser les débats. « On aurait pu davantage profiter du potentiel de cette technologie si le contexte était différent », soupire Gonçalves. Pour ne rien arranger, aucun arbitre portugais n’a été retenu pour la Coupe du monde en Russie.
Toutes ces empoignades peuvent-elles perturber la préparation de Ronaldo et consorts pour le Mondial ? Pas forcément, répond Luis Freitas Lobo, qui évoque une union sacrée autour des champions d’Europe : « Jusqu’ici, la sélection dispose d’un sas de sécurité », se rassure-t-il.
Le Quotidien/AFP