Mark Zuckerberg va de nouveau mercredi affronter les questions de parlementaires américains sur les divers scandales qui empoisonnent Facebook, après avoir déjà passé cinq heures devant les sénateurs mardi, ne cédant rien sur le fond mais laissant certaines interrogations sans réponses.
Lors de sa première apparition très attendue, le jeune dirigeant a fait face aux nombreuses questions des sénateurs qui lui ont demandé des comptes sur sa gestion des mauvais usages de la plateforme, de la protection des données jusqu’à la manipulation politique. Il a de nouveau présenté ses excuses personnelles pour ne pas avoir compris à temps à quel point Facebook pouvait être détourné de bien des façons. « C’était mon erreur. Je suis désolé ».
« Cela prendra du temps pour mener à bien tous les changements nécessaires » pour limiter ces mauvais usages, a-t-il ajouté, récapitulant les mesures passées ou à venir pour rectifier les problèmes. Parvenant le plus souvent à s’éloigner de son image de « geek » un peu timide, le multimilliardaire de 33 ans a répondu de manière détaillée à la majorité des questions mais, à plusieurs reprises, a montré quelques signes d’incompréhension voire d’impatience devant des parlementaires, qui pour certains semblaient mal maîtriser les enjeux technologiques du débat. Il a affirmé que le réseau social reste « sûr » malgré tous les cas avérés de manipulation et de détournement de données personnelles d’utilisateurs, comme dans le scandale Cambridge Analytica.
Des erreurs, des lenteurs et des regrets
Il a aussi expliqué à quel point la lutte contre la manipulation politique était difficile, évoquant une forme de « course aux armements », contre « des gens en Russie dont le travail est d’exploiter nos systèmes ». Il a par ailleurs indiqué que le groupe « travaillait » avec le procureur spécial Robert Mueller, qui estime qu’internet et en particulier Facebook a servi de plateforme à une vaste opération de propagande venue de Russie lors de la présidentielle américaine de 2016 remportée par Donald Trump.
« Un de mes plus grands regrets c’est que nous avons été lents pour identifier » les ingérences étrangères via le réseau dans la campagne, a-t-il dit. Il a également, comme il l’avait déjà fait, laissé entendre qu’il n’était pas opposé à une forme de « réglementation » des groupes internet, évoquée par de nombreux élus pendant l’audition « si elle était bonne ». Il a aussi assuré que le réseau social aux plus de deux milliards d’utilisateurs n’était pas un « monopole », sans toutefois parvenir à nommer un concurrent à Facebook.
Mais de nombreux élus ont fait part de leur « scepticisme » devant les réponses de Zuckerberg, qui à de nombreuses reprises a répondu « je ne sais pas », devant de très nombreux sénateurs et journalistes présents dans la salle. « Durant cette audition (…), vous avez été interrogé sur de nombreuses questions cruciales, auxquelles vous n’avez pas de réponse », lui a notamment lancé la sénatrice Kamala Harris. Mark Zuckerberg, visiblement fatigué par le feu roulant des questions, a notamment peiné à justifier pourquoi le réseau n’avait pas suspendu dès 2015 Cambridge Analytica, ni prévenu le régulateur du commerce, ni les utilisateurs que leurs données avaient été détournées. « Nous aurions pu les suspendre » en 2015, « nous avons fait une erreur », a-t-il dit, ajoutant avoir été certain à l’époque que le sujet était clos lorsque la firme leur avait assuré avoir effacé les données. « Nous n’aurions pas dû nous contenter de leur réponse », a-t-il encore concédé.
Non, il n’aimerait pas que ses données soient partagées
Il a dû expliquer plusieurs fois ce que le groupe faisait des données partagées par ses utilisateurs sur le réseau : « nous ne vendons pas de données aux annonceurs », a-t-il notamment martelé, assurant qu’il leur permettait seulement de cibler les utilisateurs finement grâce aux données détenues par Facebook. Pour lui, cela permet aux messages d’être « plus efficaces ». Et c’est le cœur du modèle économique de Facebook. Les sénateurs l’ont aussi largement questionné sur le manque de clarté de ses conditions d’utilisation.
« Seriez-vous à l’aise à l’idée de partager avec nous le nom de l’hôtel dans lequel vous avez séjourné la nuit dernière ? », a demandé de but en blanc le sénateur démocrate Dick Durbin au jeune dirigeant. Surpris par la question mais visiblement amusé, Mark Zuckerberg a répondu « hum, heu … non », suscitant les rires de l’assistance. Et « si vous envoyiez un message à quelqu’un cette semaine, partageriez-vous avec nous les noms des personnes destinataires ? », a aussi questionné l’élu de l’Illinois. « Non, je ne choisirais sans doute pas de partager cela avec vous ici », a reconnu Mark Zuckerberg, avant que Rick Durbin n’explicite le sens de ses questions. « Je pense que l’on est au cœur du sujet : le droit à la confidentialité, les limites du droit à la confidentialité (…) C’est la question de savoir quelles informations Facebook collecte, à qui il l’envoie et s’il a demandé au préalable l’autorisation de le faire ». « Je pense que tout le monde devrait pouvoir contrôler la façon dont leurs informations sont utilisées », a admis en réponse Zuckerberg.
Le Quotidien/AFP