L’ex-présidente sud-coréenne Park Geun-hye a été condamnée vendredi à 24 années de prison pour son rôle dans le retentissant scandale de corruption qui avait précipité sa disgrâce l’année dernière.
Première femme élue présidente dans son pays, Park Geun-hye a été destituée et arrêtée en mars 2017 pour toute une série d’accusations qui ont mis en lumière les accointances troubles entre le pouvoir politique et les grands conglomérats familiaux. La chute de la présidente conservatrice, consécutive à des manifestations monstres dans tout le pays, a permis l’alternance et l’élection de Moon Jae-in (centre-gauche), qui a contribué au spectaculaire rapprochement en cours entre les deux Corées.
L’affaire à tiroirs avait permis de révéler l’influence énorme sur la présidente de sa confidente de l’ombre, Choi Soon-sil, une « amie de 40 ans » surnommée « Raspoutine » par les médias et qui n’occupait aucune fonction officielle. Les deux femmes étaient notamment accusées d’avoir contraint les grands groupes sud-coréens à leur verser en échange de faveurs politiques des dizaines de milliards de wons. « Les sommes que l’accusée a reçues ou demandées en collaboration avec Mme Choi s’élèvent à plus de 23 milliards de wons » (17 millions d’euros), a déclaré vendredi le juge Kim Se-yoon après avoir déclaré l’ex-présidente coupable notamment de corruption, d’abus de pouvoir ou de coercition. « Je condamne l’accusée à 24 ans de prison et 18 milliards de wons d’amendes », a-t-il ajouté lors d’une audience exceptionnellement retransmise en direct par les chaînes de télévision.
Des centaines de partisans de Park Geun-hye s’étaient rassemblés aux abords du tribunal du district central de Séoul, en scandant des slogans clamant son innocence. L’ex-présidente de 66 ans a largement boycotté les audiences lors des dix mois de son procès et accusé les juges de partialité. Elle avait cette semaine fait savoir qu’elle ne quitterait pas sa cellule pour le verdict.
Colère d’une grande partie de la population
La chute de la fille aînée du dictateur militaire Park Chung-Hee, qui avait accédé en 2013 à la fonction suprême en se drapant dans l’habit de l’incorruptible « Fille de la Nation », a captivé l’opinion sud-coréenne. « Arrêtez la vengeance politique meurtrière », pouvait-on lire sur une banderole tenue à l’extérieur du tribunal. Mais Park Geun-hye, qui était jugée pour 18 chefs, concentre aussi la colère d’une grande partie de la population exaspérée par les relations malsaines entre les classes dirigeantes et les puissantes familles qui tiennent les grands conglomérats de la 11e économie mondiale. Le parquet avait demandé 30 ans de prison ainsi que 118,5 milliards de wons (89 millions d’euros) d’amende, en estimant qu’elle était du fait de sa qualité la principale responsable du scandale.
Park Geun-hye était accusée d’avoir accepté ou de s’être vu promettre, en collusion avec sa confidente, des pots-de-vin pour un total de 59,2 milliards de wons de la part de trois conglomérats sud-coréens, Samsung, Lotte et SK, en échange de faveurs politiques. L’ancienne chef de l’État était également soupçonnée d’avoir contraint 18 grandes entreprises à « donner » un total de 77,4 milliards de wons à deux fondations douteuses placées sous le contrôle de Choi Soon-sil. Jugée dans un procès distinct par le même tribunal, cette dernière a écopé en février de 20 ans d’emprisonnement.
Park Geun-hye est le troisième chef d’État sud-coréen à être condamné après la fin de son mandat, après Chun Doo-Hwan et Roh Tae-woo, qui furent reconnus coupables de trahison et corruption dans les années 1990. Ils bénéficièrent tous les deux d’une grâce présidentielle après avoir passés environ deux ans derrière les barreaux. Mais Park Geun-hye pourrait bien attendre des années avant de connaître un tel privilège, estime un expert au sein du think-tank Hankook Research. « Mme Park a rejeté toutes les accusations et n’a exprimé aucun remords, que ce soit sur le plan légal ou politique, pour ce qui est probablement le scandale politique le plus choquant de notre histoire moderne », a-t-il observé. « Compte tenu de son attitude et de la colère de la population qui demeure très vive, il sera difficile de créer à court terme un climat politique favorable à sa libération. »
Le Quotidien/AFP