Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Sébastien Grandjean, entraîneur du F91, analyse avec lucidité la perte du titre de champion du club de Dudelange.
Alors, il est mérité, ce titre, pour le Fola?
Sébastien Grandjean : Oui, au sens où ils se forment depuis trois ans et qu’ils sont dans la continuité. Ils ont maîtrisé les évènements. C’est un champion logique, mais nous pouvons nourrir des regrets. C’est un échec, mais on n’a pas perdu ce championnat sur le choc de dimanche. Plutôt sur la première partie de saison. D’ailleurs, quand je suis arrivé cet été, j’ai trouvé un groupe totalement déchiré.
Vous ne regrettez pas de ne pas avoir fait évoluer votre tactique vers un 3-5-2 bien plus tôt dans la saison?
C’était complètement inenvisageable avant cet hiver : le vestiaire n’était pas prêt. Mon arrivée était déjà un premier souci pour eux. Ils se sont posés des questions par rapport à mes méthodes et par rapport au fait que moi, je ne protège personne. Certains ont donc voulu se protéger eux-mêmes et jamais un groupe ne s’est vraiment créé.
Un héritage habituel pour un groupe qui change aussi souvent et dans d’aussi larges proportions…
Ce n’est pas à moi de remettre en cause la politique du club.
Un club qui a un fonctionnement pas optimal.
Les gens ont du mal à y être remis en question. Il y a un déficit d’investissement de soi parce qu’on n’est pas obligé de travailler pour faire vivre le club. S’il y a un problème, on le règle au niveau financier et voilà… Mais ce n’est pas une critique négative, c’est un constat.
La boulette magistrale sur la feuille de match de ce Fola – F91, c’est symptomatique?
Complètement. Pour le coup, j’assume la première erreur puisque c’est moi qui transmets la feuille le matin du match. Mais des erreurs comme ça, on en a commis cinq sur toute la saison. Il y a trois semaines, on avait même carrément noté 18 noms sur la feuille de match (NDLR : la FLF n’en autorise que 16). Heureusement, on en a barré deux au tout dernier moment. Mais voilà, dans notre mode de fonctionnement, une personne remplit la feuille de chez elle et vient au stade les mains dans les poches, boit une bière, mange une saucisse et donne la feuille aux arbitres sans venir dans le vestiaire pour voir si quelque chose a changé. Est-ce à moi de m’occuper de remplir la feuille de match, de gérer l’administratif? Je ne sais pas comment on en est arrivé là, mais le mode de fonctionnement dépend trop des individus.
Puisqu’on parle des individus et pas de l’équipe en tant qu’entité, on a vu des sourires sur certains visages dudelangeois, dimanche soir. Vous les avez vus?
Je ne les ai pas vus, mais on me l’a rapporté et je trouve ça triste. Car ce n’est pas ce que j’ai cherché à inculquer.
Vos dirigeants ont-ils commis une erreur en gardant sous contrat votre prédécesseur, Pascal Carzaniga? Cela vous a-t-il gêné dans votre gestion de groupe?
La situation était effectivement très ambivalente. J’ai hérité d’un groupe avec certains joueurs qui étaient très liés à l’ancien coach, qui s’asseyait parfois en tribune au milieu de ceux qui n’étaient pas repris pour le match. Les dirigeants sont intervenus pour qu’au moins, il ne vienne plus aux réceptions, mais bon… Alors oui, si vous me le demandez, au début, ça a été problématique pour la gestion, mais bon, moi, on m’a demandé de venir pour nettoyer, pour mettre de l’ordre dans la maison. C’est ce que j’ai fait. Avec mes défauts et mes qualités.
Mais le F91 ne sera pas champion.
Le F91 n’est pas guéri, il lui faut des antibiotiques. On n’a pas pu gagner parce que dans ce groupe, il a existé des rancœurs, revenues récemment. C’est la grande différence entre le Fola et le F91 actuellement. Moi, à part Flavio Becca qui m’a apporté son soutien durant la première partie de saison, je n’ai pas senti beaucoup d’aide autour de moi. Je pourrais même dire, je ne suis pas dupe, que pas mal de monde attendait en se disant : « Quand est-ce qu’il va se planter? ». Aussi chez certains joueurs.
Le F91 se dirige encore vers un gros renouvellement de joueurs cet été, notamment sur le plan offensif.
C’est le seul secteur qui sera touché. On attend quatre renforts dont une priorité absolue autour d’un joueur de pivot. C’était prévu comme ça.
Avant ça, il vous reste la Coupe à aller chercher pour sauver la saison du désastre.
C’est clair. On est en face de nos responsabilités. À nous d’aller au moins en finale.
Recueilli par Julien Mollereau
