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Vitesse à 80 km/h : l’expérimentation va être lancée


Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve lors d'une conférence de presse à Cherbourg le 8 mai 2015 (Photo : AFP)

Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve doit annoncer lundi les trois tronçons de routes où sera expérimentée la limitation de vitesse à 80 km/h devant le Conseil national de la sécurité routière (CNSR), tiraillé depuis 11 mois par cette mesure.

M. Cazeneuve n’est plus apparu devant l’instance consultative de la sécurité routière depuis le 16 juin 2014. Ce jour-là, il s’est mis à dos une partie du CNSR en annonçant qu’une baisse de 90 à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires bidirectionnelles ne pouvait «être envisagée que de manière expérimentale et sur des segments très accidentogènes».

Les partisans d’un passage à 80 km/h sur l’ensemble des routes secondaires avaient fustigé le «manque de courage» du ministre pour une mesure «de rupture», certes impopulaire mais qui permettrait, selon eux, de sauver 400 vies par an. D’autres membres s’étaient eux émus que le ministre annonce son choix sans même attendre un débat du CNSR prévu sur le sujet.

Après 11 mois de controverses jalonnées de la première hausse de la mortalité routière en 12 ans (3.388 morts en 2014, +3,7%), d’un plan de 26 mesures annoncé par Bernard Cazeneuve, de la démission de deux experts du CNSR face à un gouvernement qui «abandonne sa sécurité routière» et du remplacement du Délégué interministériel à la sécurité routière, les zones de cette expérimentation limitée sont enfin dévoilés.

Elles seront au nombre de trois, a-t-on appris auprès du ministère de l’Intérieur, sans plus de précision.

Selon certains journaux locaux, une portion de 23 kilomètres de la route Centre-Europe Atlantique (RCEA) dans l’Allier et une autre de 13 kilomètres sur la RN57 en Haute-Saône sont envisagés dès cet été.

Méfiance et défiance

«Quelques dizaines de kilomètres, ce n’est même plus une expérimentation, c’est une observation», raille la présidente de la Ligue contre la violence routière Chantal Perrichon, partisane du 80 km/h et une des critiques les plus virulentes contre le ministre. «Ils ont pris le temps de trouver des endroits où l’expérimentation sera crédible mais pas trop concluante», glisse un autre membre du CNSR.

Depuis ce 16 juin, un climat de méfiance, voire de défiance, règne au sein du Conseil.

«Bernard Cazeneuve a eu une attitude inacceptable. Sa décision unilatérale a montré une forme d’arrogance. Beaucoup de membres du CNSR ont été sidérés qu’on puisse les ignorer à ce point», souligne Chantal Perrichon.

«Le climat s’est extrêmement tendu parce qu’il y a quelques aigris qui se sont mis dans la tête d’imposer le 80 km/h», estime de son côté le délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes Pierre Chasseray, en rappelant des sondages faisant état de 80% des Français opposés à cette mesure.

«Le CNSR est là pour proposer, pas pour imposer. Lorsque Cazeneuve a sifflé la fin de la récréation, tout le monde devait rentrer dans le rang. Là, non seulement ils ne veulent pas rentrer dans le rang mais ils veulent déstabiliser le ministre».

Lundi, une recommandation demandera que soit «confirmé» le rattachement du Délégué interministériel «sous la responsabilité directe» du Premier ministre. Rien de personnel contre M. Cazeneuve, assure Chantal Perrichon: «Nous demandons depuis des années une vraie politique interministérielle, que Matignon sait faire, car la sécurité routière ne concerne pas seulement l’Intérieur mais aussi la Justice, la Santé, l’Education nationale, les Transports.»

«C’est une tentative de putsch, le baroud d’honneur de ceux qui veulent imposer le 80 km/h», déplore Pierre Chasseray.

La guerre de tranchées n’est pas terminée, assure Mme Perrichon: «On ne s’attend pas à ce que le ministre change d’avis lundi, mais on ne lâchera rien. Rendez-vous en décembre quand le gouvernement sera confronté à la sanction des chiffres et qu’il verra que son objectif (moins de 2.000 morts en 2020) est compromis».

AFP