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Marabout poursuivi pour escroquerie : «Il fait croire à l’existence de démons»


"Le prévenu a abusé de l'état de faiblesse d'hommes désespérés en 2013", avait soulevé le parquet lors du procès. (illustration AFP)

Le parquet a requis mercredi trois ans de prison et une amende contre un présumé marabout. Il aurait escroqué plus de 40 000 euros à deux Portugais en 2013.

«C’est un moment désespéré où on ne sait même plus ce qu’on fait.» Trois victimes ont exposé leur histoire : un ouvrier forestier, un chauffeur de camion et un retraité. Totalement désespérés, ils pensaient résoudre leurs problèmes personnels avec des séances spirituelles. Via une petite annonce, ils avaient contacté un marabout.

Antonio* (41 ans) pensait sauver son mariage, Pedro* (59 ans) s’inquiétait de la chute des résultats scolaires de ses filles et José* (78 ans) avait des problèmes avec sa femme. Si José s’est fait escroquer 290 euros et Pedro n’a jamais revu ses 15 400 euros, Antonio a perdu autour de 40 000 euros… Et sa femme, il ne l’a jamais récupérée.

Sur les trois victimes, c’est toutefois le seul qui a formellement reconnu avoir rencontré l’homme qui se trouve aujourd’hui sur le banc des prévenus. Le prévenu de 41 ans, originaire de Guinée, conteste. «Je n’ai jamais été un grand voyant médium», s’était-il défendu le premier jour de son procès mi-février. Karamba D., qui habite aujourd’hui à Poitiers (F) et qui a passé quatre mois en détention préventive, nie avoir empoché le moindre centime en jouant au marabout.

Mercredi, la parole était à son avocat. «Mon client n’est pas celui qui dépose les flyers dans les boîtes aux lettres. Cela n’a pas été prouvé», a plaidé Me Philippe Stroesser, qui demande l’acquittement. Le fait qu’une seule des victimes soit en mesure d’identifier son client ne lui a pas échappé : «Si vous rencontrez plusieurs fois une personne à une séance de spiritisme, vous devez être en mesure de la reconnaître.»

«Il se dit le grand héritier de sa dynastie»

Du dossier, il ressort qu’Antonio a remis 20 000 euros au prévenu dans l’espoir de récupérer les 20 000 euros investis précédemment auprès d’un certain «Momo». «On peut taxer mon client d’avoir menti en disant avoir retrouvé ‘Momo’ et qu’il allait l’aider à récupérer ses 20 000 euros. Mais mon client n’a mis en place aucune manœuvre frauduleuse», analyse Me Stroesser. Impossible, selon lui, de retenir les infractions d’abus de faiblesse et d’escroquerie.

Toutefois, pour le parquet, il n’y a pas de doute : le prévenu a abusé de l’état de faiblesse d’hommes désespérés en 2013 : «Il a distribué des cartes du professeur « Jacob » où il se présente comme le grand voyant médium capable d’une action efficace et rapide pour les problèmes même les plus désespérés. Il se dit le grand héritier de sa dynastie…».

Au fil de son réquisitoire, le représentant du parquet n’aura pas manqué de qualifier le prévenu de «baratineur» : «L’activité de Monsieur consiste à tromper ses victimes, à leur faire croire à l’existence de démons fantômes.»

Tous les moyens auraient été bons pour convaincre ses victimes. Pedro a ainsi expliqué avoir placé 154 billets (correspondant à l’âge total des membres de sa famille) de 100 euros dans une boîte en métal pour «renforcer le travail spirituel». Il avait aussi acheté des œufs, du poulet et des bougies pour les besoins du rituel…

Si le parquet n’a pas de doute et estime que Pedro a été victime d’infractions, il n’est pas en mesure de faire le lien entre le prévenu et lui. Le parquet pense toutefois que ce dernier est bien l’auteur des faits dénoncés par Antonio et José. «Antonio est manipulable à cause de son faible niveau d’études. Et il a une tendance à croire à des forces surnaturelles. À l’aide de ses promesses de restitution d’argent, le prévenu l’a manipulé», récapitule le parquetier en s’appuyant sur les conclusions de l’expert psychologue.

José a seulement perdu 290 euros. Ce n’est pas pour autant que le retraité n’a pas été victime de manœuvres frauduleuses, considère le parquet : «Monsieur ‘Jacob’ l’a informé que sa femme était possédée par des forces maléfiques.» Le mari désespéré était sur le point de contracter un prêt bancaire à hauteur de 7 000 euros. Il s’était même rendu à la police à Diekirch pour qu’elle l’aide dans cette opération…

Le parquet a fini par requérir trois ans de prison et une amende appropriée contre le prévenu qui a déjà un casier judiciaire en Belgique pour une affaire d’escroquerie.

Prononcé le 29 mars.

Fabienne Armborst

* Les prénoms ont été modifiés