Toutes les bourses, y compris celle de Luxembourg, ont été affectées par la volatilité observée à Wall Street ces derniers jours. Les experts l’expliquent par les bons chiffres de l’emploi aux États-Unis et l’envolée du VIX, l’indice mesurant précisément la volatilité.
En début de mois, la Bourse de New York a connu quelques frayeurs. Plus précisément le 5 février, l’indice VIX qui «reflète les attentes de la volatilité future du marché des actions US», selon Ilario Attasi, Head of Group Research de KBL epb, a en effet enregistré un bon spectaculaire de plus de 100 % en quatre heures. L’affolement a gagné le marché et, en moins de 20 minutes en fin de séance, le Dow Jones, l’indice vedette de Wall Street, a plongé dans «une spirale infernale» de 500, 1000 puis 1 500 points. De quoi donner des sueurs froides aux investisseurs.
Le VIX, aussi surnommé «l’indice de la peur», est un indicateur qui se base sur le risque de voir fluctuer le S&P 500, l’indice financier regroupant les 500 plus grandes entreprises cotées à New York. D’après Ilario Attasi, la hausse inhabituelle du VIX le 5 février «près de quatre fois celle attendue sur base de la correction observée sur le marché US», suggère que ce pic de volatilité est «à l’origine de la chute du marché des actions et non l’inverse».
Une volatilité pas si atypique
Laurent Simeoni, Head of Portfolio Management Services d’ING Luxembourg, explique que «ce sont les très bons chiffres de l’emploi» aux États-Unis qui ont «déclenché les hostilités et la baisse récente». La croissance des salaires atteint désormais les 2,9 %, «chiffre plus observé depuis 2009», inquiétant à la fois les autorités monétaires et les investisseurs. De ce fait, toujours d’après le spécialiste de la banque au lion, «les analystes prévoient trois hausses de taux cette année et les taux d’intérêt ont déjà bien monté» en 2018 aux États-Unis, le taux à 10 ans étant passé de 2,32 à 2,9 %.
Dans ce contexte de remontée plus rapide que prévue des taux d’intérêt, «les investisseurs anticipent la fin de l’argent bon marché», ce qui pourrait faire baisser «la valorisation des entreprises en bourse», dit Laurent Simeoni. Le rendement proche de 3 % des obligations d’État américaines rend les marchés d’actions «moins attractifs en relatif» et les porteurs «prennent une partie de leurs bénéfices accumulés sur les dernières années».
Cette volatilité du marché américain fait peur, c’est certain. Pourtant, à en croire le spécialiste d’ING, «la volatilité actuelle du marché n’a rien de très atypique». C’est plutôt un manque de cette dernière qui «devenait assez inquiétant». Elle était maintenue à des niveaux «historiquement faibles par les politiques de taux très bas des banques centrales aux États-Unis, en Europe et au Japon». Il faut aussi rappeler que le marché américain est «en hausse quasi constante depuis 2009», souligne Laurent Simeoni.
Touché par la baisse de SES
«Ce que nous vivons, c’est un retour de la volatilité très important», affirme Robert Scharfe, le président du conseil de direction de la Bourse de Luxembourg (LuxSE). Cette dernière, qui propose majoritairement des obligations, a vu son indice, le LuxX, autant souffrir que ses pairs. «Le LuxX dans la globalité a légèrement mieux résisté», soutient toutefois l’homme fort de la Bourse. LuxSE a surtout été touchée par la baisse importante de SES. L’indice de l’entreprise satellitaire luxembourgeoise, poids lourd du LuxX, a perdu 15 % depuis fin janvier.
Peut-on dès lors s’attendre à une autre fluctuation comme celle observée ces derniers jours? Pour Ilario Attasi, l’optimisme des investisseurs reste élevé mais «des publications potentiellement décevantes sur des facteurs économiques clés» comme l’inflation, les profits des entreprises, les taux de change ou l’emploi pourraient «de nouveau attiser les craintes des investisseurs».
Des taux à surveiller
Il ne serait par conséquent pas raisonnable de se croire à l’abri de nouvelles turbulences sur les marchés. Alexis Hoferlin, analyste financier de Capital at Work chez Foyer Group, met en avant un autre argument. D’après lui, après des années de politique monétaire accommodante, les banques centrales sont en train «d’adapter leur démarche à ce nouvel environnement inflationniste». Leurs interventions passées ont «contribué à la faible volatilité que nous avons connue dernièrement».
L’analyste pense que les investisseurs vont se «conformer à ce nouvel environnement». «On peut facilement envisager que cette période d’adaptation puisse conduire à une plus grande volatilité pendant les mois à venir». Pour Laurent Simeoni, il faut regarder de très près le niveau des taux et l’inflation de l’autre côté de l’Atlantique. «Le niveau psychologique de 3 % sur les taux à 10 ans américains pourrait inciter les investisseurs à d’autres prises de profits dans les prochaines semaines», observe-t-il.
La règle d’or de la diversification
Les fluctuations de Wall Street peuvent inquiéter les investisseurs luxembourgeois ayant des actions dans leur portefeuille. Laurent Simeoni rappelle qu’en matière d’investissements, il faut «savoir dissocier les fondamentaux de l’émotionnel». Certes, les périodes de fortes volatilités ne sont pas très agréables à vivre, mais «la peur ne doit pas empêcher l’action». Les périodes de correction boursière, comme celle actuellement vécue, «ont toujours constitué de bonnes opportunités d’achat à long terme». Donc, pas de panique, ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Un investisseur, de toute façon, a plutôt intérêt à diversifier ses actifs. C’est même une «règle d’or», permettant «plus que jamais de se prémunir de la volatilité des marchés et d’une hausse des rendements obligataires prévisible cette année et en 2019», pointe-t-il.
De son côté, Alexis Hoferlin dit que prédire le comportement des marchés reste «une chose ardue». Pour un investisseur acceptant une plus grande volatilité, «les opportunités d’investissements semblent néanmoins plus intéressantes aujourd’hui» qu’à la fin de l’année 2017. Ilario Attasi pense aussi que dans cet environnement porteur «mais probablement ponctué de nouveaux épisodes de volatilité, la diversification est de mise».
Aude Forestier