Le géant suisse de l’alimentation Nestlé, en pleine transformation, a annoncé jeudi, lors de ses résultats annuels, qu’il avait décidé de ne pas renouveler l’accord qui le liait depuis plus de 40 ans au groupe français de cosmétiques L’Oréal.
L’avenir du pacte d’actionnaires, conclu en 1974, était en suspens depuis le décès en septembre 2017 de Liliane Bettencourt, l’héritière du fondateur du groupe connu pour ses colorations pour cheveux.
Dans un paragraphe détaillant ses projets stratégiques pour 2018, le groupe a expliqué que L’Oréal restait « un investissement important » pour Nestlé.
« Afin de maintenir toutes les options ouvertes dans l’intérêt des actionnaires Nestlé, le conseil d’administration a décidé de ne pas renouveler cet accord », indique toutefois le groupe dans un communiqué.
« Nous n’avons pas l’intention d’augmenter notre participation dans L’Oréal et nous nous engageons à poursuivre notre relation constructive avec la famille Bettencourt », a-t-il ajouté.
Interrogé sur les intentions de Nestlé lors d’une conférence de presse, son directeur général, Ulf Mark Schneider, s’est refusé à tout autre commentaire, insistant cependant sur le fait que « chaque mot avait été pesé ».
Une porte ouverte?
Cette annonce a ouvert une série de questions pour l’instant sans réponses. Dans un commentaire boursier, les analystes de Jefferies ont présumé que les investisseurs allaient sûrement se livrer à une « analyse de texte approfondie ».
La formulation semble suggérer « qu’il n’y a pas de désir imminent de liquider la participation », ont-ils interprété, mais laisse « la porte ouverte » à des options qui n’étaient jusqu’à présent pas envisageables, selon eux.
Ce pacte d’actionnaires a longtemps alimenté les spéculations sur les marchés mais avait été maintenu, imperturbablement jusqu’à ce que Nestlé vende en 2014 une fraction de sa participation, pour la ramener à 23,29%.
Un avenant avait alors été signé et comportait une clause de plafonnement des parts. Il devait expirer six mois après le décès de Liliane Bettencourt, soit le 21 mars 2018.
A 11 heures 50, Nestlé chutait de 2,61% à 75,30 francs suisses, tandis que l’action L’Oréal perdait 0,91% à 173,70 euros.
Les analystes ont été déçus par les résultats de l’exercice 2017, nettement inférieurs aux attentes.
Repositionnement des activités
Le bénéfice net s’est inscrit en baisse de 15,8% par rapport à l’année précédente, à 7,2 milliards de francs suisses (6,2 milliards d’euros), plombé par les frais de restructuration et une dépréciation sur sa filiale dédiée aux soins de la peau. Les analystes interrogés par l’agence suisse AWP l’escomptaient en moyenne à 9,6 milliards.
Son chiffre d’affaires n’a lui augmenté que de 0,4%, à 89,8 milliards, mais les investisseurs ont surtout été déçus par la croissance organique de ses ventes.
Cet indicateur clé pour Nestlé, qui permet de jauger ses ventes hors effets de changes et de rachat ou de cession d’entreprises, s’est de nouveau tassé, pour n’atteindre que 2,4%.
Depuis quelques années, Nestlé ne parvenait plus à tenir l’objectif de croissance de 5 à 6% par an auquel il avait habitué les investisseurs.
Son nouveau patron, l’Allemand Ulf Mark Schneider, avait repris les commandes l’an passé, avec pour mission implicite de relancer la croissance.
Expliquant qu’il voulait tout d’abord poser des bases saines, une de ses premières décisions avait été d’abaisser ponctuellement cet objectif, le fixant aux environs de 2 à 4% pour 2017.
« Nous sommes dans le bas de nos aspirations », a reconnu Mark Schneider, en commentant ces résultats tout en soulignant qu’il y a « un délai nécessaire » avant que les mesures mises en place pour repositionner Nestlé ne se reflètent dans la croissance organique.
L’an passé, il a tout d’abord voulu commencer par redresser des marques en perte de vitesse. Dans le même temps, il a lancé des bases pour l’avenir, avec des acquisitions sur des segments plus porteurs.
Début 2018, le groupe a notamment vendu ses activités de confiserie aux États-Unis, en perte de vitesse, pour 2,8 milliards de dollars. Peu après, il a racheté pour 2,3 milliards la marque Atrium, sépcialisées dans les compléments alimentaires qui affiche, elle, des taux de croissance à deux chiffres, a-t-il illustré.
Pour 2018, le groupe vise une croissance organique de 2 à 4%. Parmi les prochains chantiers, il envisage notamment de vendre des activités d’assurance-vie héritées du rachat en 2007 des aliments pour bébé Gerber.
Le Quotidien/ AFP