L’État, sous l’impulsion de l’Europe, va imposer de nouvelles mesures pour mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires dans l’agriculture.
Dans la vigne comme ailleurs, les temps changent. Et peut-être plus vite aujourd’hui que jamais auparavant. Il y a 10 ans et plus, qui parlait de bonnes pratiques culturales respectant l’environnement ? Pas grand monde. La vigne a toujours été un gros consommateur de produits phytosanitaires et tant que les vins étaient bons, on n’y voyait rien à redire. Entre les rangs, la terre était nue, carbonisée par les herbicides. Les insectes étaient laminés à coups de produits sacrément toxiques et les vignerons – autant que les consommateurs – s’en fichaient. À vrai dire, on y voyait surtout l’expression du progrès technique et scientifique digne du monde moderne.
Aujourd’hui, évidemment, la donne a changé. Les consommateurs se soucient plus que jamais de l’écologie. Le bio est devenu un argument de vente majeur. L’écho des reportages télévisés qui mettent en cause des vignerons sans scrupules quant à l’utilisation des produits phytosanitaires (notamment dans le Bordelais) est gigantesque et dévastateur. Et dans un monde globalisé, toute mauvaise publicité peut avoir de graves répercussions : il est tellement facile de passer chez la concurrence !
Des machines en bon état de marche
Tous les vignerons ne se convertiront pas au bio, mais tous les meilleurs s’intéressent désormais de près aux conséquences environnementales de leur labeur. Au Grand-Duché, où l’État se montre généreux envers ceux qui s’équipent avec du matériel conforme à ces préoccupations, un virage vertueux a déjà été engagé. Le verdissement des coteaux est pratiquement complet et la viticulture y est de plus en plus raisonnée. Même si le bio, c’est vrai, ne décolle toujours pas (3% seulement de la surface). Pour imprimer davantage ce mouvement, l’État a introduit une série de mesures concernant l’utilisation des produits phytosanitaires.
Un premier point concerne les pulvérisateurs. Un règlement grand-ducal qui sera publié au printemps permettra au Grand-Duché de répondre à la directive européenne SUD (Sustainable Use of Pesticides) datant de… 2009. Il ne fallait pas être pressé. «Tous les cinq ans, les machines devront être vérifiées par nos services», explique Pascal Pelt (administration des Services techniques de l’agriculture, ASTA).
Il ne s’agira pas d’un simple contrôle technique puisqu’une analyse des performances de la machine sera également réalisée. En effet, un pulvérisateur mal réglé (ou aux buses trop anciennes) peut envoyer plus de la moitié des produits phytosanitaires dans les airs ou sur le sol, là où l’on n’en a pas besoin. Le manque à gagner est alors important, dans la mesure où il s’agit d’argent gaspillé, de mauvaises protections des vignes contre les maladies, mais aussi de pollutions de l’environnement (notamment de l’eau) toujours coûteuses.
Les premiers pulvérisateurs seront testés en mai, mais Pascal Pelt se veut rassurant : «En règle générale, votre matériel est récent et je suis persuadé qu’il n’y aura pas beaucoup de problèmes.»
La seconde nouveauté consiste à imposer une formation de base et une formation continue à tout professionnel étant amené à pulvériser des produits phytosanitaires. Là encore, ce sera à l’ASTA d’octroyer ce que l’on appelle le Sprëtzpass (passeport de pulvérisation). Les premiers cours auront lieu ce mois-ci et, là encore, il s’agit d’une initiative européenne de 2009 que le pays aura mise en œuvre avec pas mal de retard. La France ou l’Allemagne ont, par exemple, leur permis de pulvériser depuis trois ans.
Utiliser les produits en connaissance de cause
Mercredi dernier, Jacques Engel (ASTA) expliquait le principe aux vignerons : «Les employés devront suivre une formation de deux fois trois heures, mais pour les patrons, ce sera plus long. La durée reste encore à définir.» Tous ceux qui peuvent faire valoir un diplôme en agriculture seront dispensés de la formation de base, mais pas de la formation continue.
L’idée n’est pas de venir enquiquiner les agriculteurs et les viticulteurs, mais de les informer davantage sur les risques inhérents à la manipulation de ces produits toxiques tant pour l’homme que pour l’environnement. «Cela fait longtemps que les mineurs doivent mettre un casque pour aller dans les mines, mais on n’a jamais rien fait pour les agriculteurs, alors que les risques pour la santé sont très clairs», souligne-t-il.
Jacques Engel est conscient que cette réforme pourrait être mal perçue par le monde rural – «les journées de formation seront forcément plus lourdes pour ceux qui doivent travailler dur dans leur domaine» –, mais il insiste pour expliquer que les premiers bénéficiaires seront les utilisateurs eux-mêmes. «Ne pas respecter les consignes de sécurité pour l’utilisation de ces produits, comme ne pas mettre de gants, peut avoir de graves conséquences sur la santé, prévient-il. Tout le monde doit être parfaitement informé sur ces risques.»
Avec ces deux mesures – la vérification du matériel et la formation des professionnels –, l’État veut que les agriculteurs, et donc les viticulteurs, agissent en toute conscience. Sans doute certains prendront-ils le pli de mauvaise grâce au départ, mais il y a fort à parier que tout cela deviendra un réflexe d’ici très peu de temps. Car, au final, ces mesures sont au bénéfice de tous.
Erwan Nonet