L’illustrateur John Howe a travaillé aux côtés de Peter Jackson pour « The Lord of the Rings ». Star de l’heroic fantasy, il présente, au Cercle Cité jusqu’au 18 mars, quelques-uns de ses dessins. Bienvenue en Terre du Milieu.
En 2017, sous l’impulsion de Beryl Koltz, on avait eu droit à un décor rose bonbon mettant à l’honneur l’univers atypique de Wes Anderson, cinéaste décalé et obsessionnel. John Howe est, lui aussi, «monomaniaque» – «il creuse le même sillon depuis des années», confie Gilles Francescano, commissaire de cette exposition. Car l’homme, la soixantaine, vraie star de l’heroic fantasy, n’est autre que celui qui, avec son compère «interchangeable» Alan Lee, a façonné la Terre du Milieu.
Illustrateur de l’œuvre de Tolkien, il fut recruté, à la fin des années 90, par le réalisateur néo-zélandais Peter Jackson pour diriger la conception visuelle des films adaptés des livres The Hobbit et The Lord of the Rings. On lui doit ainsi une bonne partie des créations les plus iconiques de la saga. Et ses images ainsi que son nom resteront à jamais liés à elle. Jeudi, présent au Cercle Cité, débordant d’anecdotes, John Howe a parlé – beaucoup – de son travail. De ces quarante œuvres réunies, choisies parmi des milliers et milliers de dessins : «Je savais surtout ce que je n’avais pas envie de montrer !», sourit-il.
Plus loin, on le voit, sur une vidéo datant de 2004, monter sur une souche d’arbre, esquiver des branches, le regard grave, tel un aventurier. Un plongeon dans la nature luxuriante d’une île isolée, support d’une œuvre qui deviendra par la suite mythique… «Je n’aime pas m’entendre et me voir !», bondit-il. Chez cet artiste, en équilibre entre présent et passé, entre fiction et véracité, ce que doit retenir l’Histoire a du sens…
Moins bariolée que la saison précédente, mais tout aussi ludique, l’exposition, intitulée à juste titre «There and back again, visions de Tolkien et d’ailleurs», dévoile encore des carnets secrets, dont certaines pages «qu’on ne peut feuilleter». On y verrait sûrement ses derniers dessins pour Mortal Engines, prochain film à l’univers «steampunk» auquel il est associé. Le reste est assez proche de ce que le cinéma nous a montré : un monde fait de chevaliers, de tours imprenables, de créatures magiques, malfaisantes, sans oublier ces nombreux paysages, denses, sauvages. «J’aimerais croire qu’il y a un message écologique derrière tout ça, que l’on fasse attention à l’avenir», soutient-il de sa voix légère.
Moyen Âge, musées et architecture
Même si ses mots effleurent juste son épaisse barbe, John Howe est loquace. Il raconte, avec cet assemblage relatant quelque vingt ans de carrière (1987-2007), qu’il lui faut «dix jours à deux semaines par dessin», et que, contrairement à d’autres confrères, il ne s’est pas réfugié dans son imaginaire par ressentiment. «Je ne suis pas du genre à dire : « Le monde ne me convient pas, donc je reste dans le mien ». Ça serait la dernière chose à faire !» Non, le dessinateur avoue se nourrir de l’Histoire – il est un fan du Moyen Âge – de l’architecture, de ses balades au vert ou dans les musées, surfant librement sur l’œuvre de Tolkien, à l’instar de cette image montrant l’intérieur de chez Bilbo le Hobbit, «un mélange d’art nouveau, de détails d’une église scandinave et de meubles que j’ai à la maison. Hormis la porte, décrite dans le livre, on est libre de faire ce que l’on veut.»
Si une dizaine d’autres représentations n’appartiennent pas à la saga (calendrier, boîte de jeu, couverture de livres), cet assemblage, mélange entre technique traditionnelle et choix de composition moderne que l’on retrouvera en mai au festival Imaginales (Épinal), rappelle toute la richesse de The Hobbit et The Lord of the Rings. D’ailleurs, que pense-t-il des films ? «L’énergie qu’on déploie là-dedans est liée au fait que l’on ne peut pas tout avoir. Ni son, ni mouvement, ni profondeur. Le cinéma vous amène tout ça… Vous posez les pions et le jeu part tout seul !», explique-t-il, reconnaissant et fier que le résultat soit «très proche» de ses visions.
Grégory Cimatti