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Anticor, la petite association qui bouscule la justice financière


Les dernières années ont vu croître le rôle des associations anticorruption telles qu'Anticor, Transparency international et Sherpa dans des dossiers sensibles où elles font figures d'aiguillons de la justice financière. (illustration AFP)

Depuis plusieurs années, Anticor scrute les déraillements de l’éthique en politique et combat « l’inertie judiciaire »: avec ses plaintes à fort retentissement, l’association anticorruption est devenue un acteur, parfois contesté, de la justice financière.

La semaine dernière, l’association a engrangé une double victoire : faire condamner le patron de Radio France Mathieu Gallet pour favoritisme et obtenir la relance de l’affaire Richard Ferrand. A chaque fois, Anticor avait lancé des plaintes pour réclamer des investigations. « Anticor laisse le temps aux autorités de réagir mais quand il y a des carences et que rien ne se passe, on dépose plainte », résume Jean-Christophe Picard, président et co-fondateur d’Anticor.

Les dernières années ont vu croître le rôle des associations anticorruption telles qu’Anticor, Transparency international et Sherpa dans des dossiers sensibles où elles font figures d’aiguillons de la justice financière. Toutes les trois ont un agrément du ministère de la Justice qui les autorise à se porter partie civile dans des enquêtes d’atteintes à la probité, recouvrant corruption, trafic d’influence ou prise illégale d’intérêts. Elles ont en main une arme redoutée, la plainte avec constitution de partie civile, qui permet sous certaines conditions de contourner le parquet en obtenant la désignation d’un juge indépendant, comme dans l’affaire Ferrand, où le procureur de Brest avait classé le dossier sans suite.

De quoi leur conférer le statut de quasi « contre-pouvoir », selon l’avocat historique d’Anticor Jérôme Karsenti, mais aussi de s’attirer les critiques. « Anticor agit comme un ‘parquet bis’ à la française (…) Ils ne dépendent en rien de l’autorité publique et s’érigent en autorité semi-judiciaire », a ainsi décrié l’avocat Daniel Soulez Larivière. « Ce n’est pas une vigie absolue » mais « elle fait partie du débat démocratique et procède avec recul », tempère Olivier Baratelli, avocat de sociétés du CAC 40 et adversaire d’Anticor dans plusieurs dossiers.

Combats ciblés

Fondée en 2002, l’association regroupe au départ des élus, surtout à gauche, qui attribuent au discrédit de la classe politique la montée en puissance de l’extrême droite. « De scandales en scandales », le réseau de réflexion s’est aussi mué en acteur du combat judiciaire sous la présidence de Nicolas Sarkozy. En 2009, une première plainte lance l’affaire François Pérol, ex-conseiller de l’Élysée accusé de conflits d’intérêts pour être parti à la tête du groupe bancaire BPCE. Mais ce premier fait d’armes retentissant se conclura par une relaxe. A l’époque, l’association emboîte le pas à Transparency international, dont l’intérêt à agir est reconnu en 2010 dans les enquêtes dites des « Biens mal acquis » sur le patrimoine de chefs d’État africains en France. « Mais pendant des années, on a beaucoup bataillé contre le parquet », se souvient Jérôme Karsenti.

L’affaire des sondages de l’Élysée sous le mandat de Nicolas Sarkozy n’avait ainsi pu démarrer qu’au terme d’un bras-de-fer procédural. Avec un budget limité de 100 000 euros par an, la modeste association aux 2 000 adhérents cible ses combats : « il s’agit de dossiers exemplaires qui permettent de décliner un propos éthique. Il faut aussi qu’ils révèlent des dysfonctionnements judiciaires ou qu’ils soient tellement conséquents qu’ils requièrent une force d’appoint », explique l’avocat. En 2011, elle avait porté seule la contradiction au procès historique de Jacques Chirac et des emplois fictifs de la mairie de la Paris, avant que sa plainte ne soit déclarée irrecevable.

Elle intervient aujourd’hui dans le « Kazakhgate » et l’enquête sur les cagnottes de sénateurs UMP. Mais pourrait être écartée de l’affaire Bygmalion par une décision judiciaire attendue dans quelques jours. Ses adversaires l’ont parfois soupçonnée de mener un combat partisan, surtout contre la droite. Dans les sondages de l’Élysée, elle avait été accusée indirectement d’avoir profité d’une supposée influence de l’ex-ministre de la Justice Christiane Taubira parce cette dernière avait appartenu au comité de parrainage d’Anticor. Un rôle honorifique, s’était défendue l’association. « On n’est tendre avec personne », affirme Jean-Christophe Picard. « Le procès de l’ex-député corse divers gauche Paul Giacobbi est celui qui nous a coûté le plus cher ».

Le Quotidien/AFP