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Villa Vauban : De Sander à Somoroff


Présentée pour la première fois à la Biennale de Venise 2011, l'exposition "Absence of Subject", à la Villa Vauban, présente le projet du photographe Michael Somoroff, qui revisite les célèbres clichés de son illustre homologue August Sander. Bluffant. (Photo : DR)

Dans le cadre du Mois européen de la photographie au Luxembourg, la Villa Vauban présente une exposition qui interroge la mémoire et le temps.

La Villa Vauban a choisi de rester dans sa lignée d’expositions qui proposent une confrontation entre deux époques artistiques, deux genres ou tout autre dialogue. Pour cette dernière, il n’est pas question de peinture mais bel et bien de photographie, comme la thématique du mois le précise.

«Absence of Subjects» est ainsi un projet du photographe publicitaire américain Michael Somoroff qui a choisi de revisiter quelques photographies extraites de l’œuvre monumentale du photographe allemand August Sander, Hommes du XXe siècle, pour donner à voir ce que l’œil ne regarde généralement pas : l’arrière-plan, le décor. «Lorsque Paul di Felice [l’organisateur de l’évènement] nous a parlé de ce projet, nous l’avons tout de suite aimé», explique Gabriele Grawe, conservatrice.

Elle poursuit : «Nous travaillons principalement sur les dialogues, ici, à la Villa Vauban. Et celui proposé par cette exposition invite à la fois à un voyage dans le temps, mais aussi dans les fondements même de l’art photographique et l’art en général.» En effet, le pari un peu fou de Michael Somoroff a été de manipuler quelques-uns des célèbres portraits d’August Sander pour en retirer l’élément principal, le personnage, laissant entrevoir ou réinventant seulement l’arrière- plan, le décor.

Ce sont donc 40 photographies d’August Sander qui sont présentées et les 40 nouvelles versions réalisées par Michael Somoroff. «Le principe de l’exposition n’est pas de faire une comparaison directe entre les deux versions de la même photographie, mais de voir autre chose, quasiment de découvrir deux photographies différentes, c’est pour cette raison que les images ne sont pas présentées l’une à côté de l’autre», ajoute la conservatrice de la Villa Vauban.

Tension du temps

C’est avec le noir que l’exposition commence, telle une photographie dont tous les éléments possibles seraient absents, ne laissant entrevoir que des nuances de gris et de noir, sorte de point zéro proposé par Somoroff, rappelant le principe même de la photographie qui se noircit inexorablement sous l’effet de la lumière.

D’August Sander, ce sont les images symboliques de son travail que nous retrouvons, le jeune soldat, le pâtissier, les gens du cirque ou encore le porteur de briques. Un extrait de son travail de titan, Hommes du XXe siècle, qui a, à la fois proposé une des premières typologies en photographie et fait de lui l’un des plus grands portraitistes de l’histoire de la photographie.

Et puis il y a ces images, celles de Somoroff, en noir et blanc également, présentant tantôt des paysages, tantôt des natures mortes et bien souvent des lignes abstraites. On a parfois bien du mal à imaginer que nous regardons les mêmes images, mais on se prend facilement au jeu ou plutôt à la réflexion qui nous est proposée. Une réflexion sur le temps qui passe, comme cette ferme, une fois vidée de ces êtres vivants, qui semble avoir résisté aux aléas de la vie et à la mort même de ceux qui l’animaient.

Le travail de Somoroff est fascinant et perturbant à la fois : il nous donne à voir l’absence souvent, et ce qu’il reste souvent. Ces images vidées de tout personnage auraient pu être l’œuvre de Sander si celui-ci n’avait pas réussi à cacher la plus grande partie de son travail de la destruction par les nazis qui voyaient d’un mauvais œil sa vision humaniste. «Absence of Subjects» interroge ainsi la mémoire et l’histoire, comme l’évolution de l’art et la représentation de notre monde moderne.

Mylène Carrière

Jusqu’au 13 septembre. Plus d’informations sur www.cafecreme-art.lu

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