L’Algérie célébrait vendredi Yennayer, le Nouvel an berbère, décrété férié pour la première fois dans un pays d’Afrique du Nord, région où cette importante minorité revendique la reconnaissance de son identité.
Repas de fête autour d’un copieux couscous accompagné de volaille ou de brebis, chants, danses, jeux traditionnels, théâtre et parades équestres ont été comme chaque année au menu des festivités, en plus de nombreuses manifestations officielles organisées pour la première fois par les autorités à travers le pays. « Traditionnellement, nous célébrons Yennayer en famille autour d’un repas copieux à base de volaille, mélangée à de la viande séchée », explique Samia Moumni, en s’affairant à préparer sous un petit chapiteau diverses variétés de couscous kabyles à Tizi-Ouzou, principale ville de Kabylie, où un repas géant devait réunir vendredi 3 000 personnes au stade.
Cette région montagneuse à l’est d’Alger abrite la plus importante population berbère d’Algérie, pays qui compte quelque 10 millions de berbérophones, soit un quart de sa population : Kabyles, mais aussi Mozabites dans la Vallée du Mzab (centre), Chaouis dans les Aurès (est) ou Touaregs (sud). Vendredi, à Ath Mendes, village perché de Kabylie, enfants et adolescents en habits traditionnels colorés ont défilé dans les rues, accompagnés aux sons des tambours et des zurna (hautbois traditionnel) d’une troupe folklorique. Des cavaliers, les épaules recouverts du drapeau berbère, bleu-vert-jaune, ouvraient la marche.
Calendrier agraire
« Cette célébration vise surtout à sensibiliser la nouvelle génération sur l’importance de leur identité, leur culture et des traditions amazighes » (berbères), explique Rachid Belkheir, un des organisateurs. Jeudi soir, les habitants d’Ath El Kacem, autre village kabyle situé au pied de la montagne du Djurdjura, à une cinquantaine de km au sud de Tizi-Ouzou, avaient bravé un froid glacial pour partager un « imensi n’yennayer », repas collectif fait de couscous au poulet. Toute la soirée, des dizaines de femmes vêtues de robes traditionnelles brodées aux couleurs vives, où dominent le rouge et le jaune, avaient confectionné le couscous. Les mains imbibées d’huile d’olive, elles remuaient la semoule dans de grands plats de terre cuite, en entonnant des chants kabyles anciens ou déclamant des poèmes louant les bienfaits de Yennayer, synonyme d’abondance.
Le calendrier berbère, inspiré du calendrier julien (romain) est agraire, rythmé par les saisons et les travaux agricoles. Il a été dépoussiéré et remis en valeur par les militants de la cause berbère dans la seconde moitié du XXe siècle. Ceux-ci ont choisi notamment l’avènement du pharaon berbère Sheshonq 1er (Chachnaq en berbère) sur le trône d’Égypte, en 950 avant J.C., comme année zéro du calendrier et les Berbères – ensemble de peuples autochtones d’Afrique du Nord, dont la présence est antérieure à l’arabisation de la région – fêtaient donc vendredi le début de l’année 2968.
« Cette année, Yennayer a une saveur particulière », se réjouit en lançant des youyous l’une des doyennes du village d’Ath El Kacem, Na Ouerdia Mohamedi. Yennayer, depuis longtemps célébré en Algérie, particulièrement dans les régions berbérophones où la journée était fériée de fait, s’est vu cette année conférer un caractère officiel par le président Abdelaziz Bouteflika qui, le 27 décembre, l’a décrété jour férié en Algérie « pour conforter l’unité nationale ».
Le Quotidien/AFP