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Métro, robot, dodo

Le Japon est décidément un curieux pays. Dans le reste du monde, Grand-Duché y compris, le vieillissement de la population et la baisse de la natalité sont plutôt de mauvais augure. Faut-il recourir à l’immigration pour maintenir la croissance ? Qui paiera nos retraites ? Que va devenir l’identité nationale ? Ces questions agitent nerveusement nos sociétés, faisant remonter à la surface des idées rarement fraternelles…

Alors imaginez l’angoisse dans un pays où le taux de fécondité est le deuxième plus faible au monde et où les plus de 75 ans sont plus nombreux que les moins de 35 ans ! En 2017, le taux de natalité japonais a ainsi atteint le niveau le plus bas depuis 1899, avec seulement 1,4 enfant par femme, alors qu’il faut au minimum 2,1 enfants pour que la population se renouvelle. L’archipel compte ainsi un enfant de moins toutes les 100 secondes et, à ce rythme, n’en aura plus un seul en 3011. Par contre, le Japon bat des records avec ses légions de centenaires et les plus de 65 ans représentent un bon quart de la population.

Bref, un vrai «hiver» démographique. Sauf qu’au Japon, être un pays de vieux et de célibataires endurcis n’est apparemment pas une mauvaise nouvelle. Le Premier ministre, Shinzo Abe, l’a répété maintes fois : «Le Japon entend être le tout premier pays à prouver que la croissance est possible à travers l’innovation, même quand une population décline.» Loin d’être perçus comme des menaces, les robots et l’intelligence artificielle (IA) doivent au contraire permettre de libérer les Japonais des tâches répétitives et peu créatives. Cela a déjà commencé : robots fermiers, robots vendeurs dans des boutiques, IA remplaçant des dizaines de salariés dans une société d’assurance…

Nous aurions tort de sous-estimer l’impact de ces progrès, porteurs tant d’espoirs que de craintes. Nous entrons dans une ère où la destruction d’emplois est plus rapide et facile que leur création. Et tous les pays, à commencer par le Luxembourg, ne sont pas des îles reposant essentiellement sur l’innovation. Réfléchit-on assez aux conséquences sociales de cette destruction (pas si) créatrice ?

Romain Van Dyck