La rébellion d’une partie des députés de son propre camp conservateur sur le Brexit met en lumière les multiples faiblesses de la Première ministre britannique Theresa May alors que son pays s’apprête à aborder une phase cruciale des négociations sur sa sortie de l’UE.
Les rebelles
Theresa May est fragilisée depuis la perte de sa majorité absolue aux élections législatives anticipées de juin, qu’elle avait paradoxalement convoquées pour asseoir son autorité. Rare moment de grâce, elle avait été saluée unanimement après la conclusion vendredi d’un compromis de divorce avec Bruxelles ouvrant la voie à des négociations commerciales.
Mais l’euphorie aura été de courte durée. Mercredi soir, onze députés rebelles ont voté avec l’opposition travailliste un amendement stipulant que tout accord final de sortie de l’Union européenne soit ratifié par un vote contraignant du Parlement malgré les efforts déployés jusqu’à la dernière minute par Theresa May et ses ministres pour tenter de les en empêcher.
Cette première et humiliante défaite parlementaire pourrait en augurer d’autres, avec la programmation dès la semaine prochaine d’un amendement réclamant de retirer de la future loi sur le Brexit toute référence à la date de sortie prévue, le 29 mars 2019.
Un gouvernement divisé
L’unité n’est pas non plus le point fort de son gouvernement, dont les principaux ministres se déchirent souvent publiquement entre Brexiters jusqu’au-boutistes -comme le turbulent chef de la diplomatie Boris Johnson- et partisans d’un futur partenariat étroit avec l’UE -tel le chancelier de l’Échiquier Philip Hammond.
Ces divisions, temporairement masquées par la satisfaction d’avoir trouvé un compromis avec Bruxelles, risquent fort d’être ravivées quand l’exécutif se réunira le 19 décembre pour arrêter sa position sur la future relation du Royaume-Uni avec l’UE.
Contrainte au grand écart permanent, Theresa May doit aussi faire preuve d’adresse pour éviter qu’un de ses ministres ne lui plante un couteau dans le dos, selon les médias britanniques qui se font l’écho de conspirations permanentes destinées à la renverser.
Si elle réussit à se maintenir, selon de nombreux analystes, c’est uniquement faute de successeur susceptible de rassembler, alors que les travaillistes menés par Jeremy Corbyn se tiennent en embuscade, crédités de bons scores dans les sondages.
DUP, l’allié encombrant
Après leur revers électoral de juin, les Tories ont conclu un pacte électoral avec l’archi-conservateur Parti unioniste démocrate (DUP) d’Irlande du Nord pour conserver leur majorité absolue au Parlement de Westminster. Mais cet allié clé peut aussi se révéler une sérieuse épine dans le pied.
Le 4 décembre, le DUP a fait dérailler un accord imminent entre Londres et Bruxelles sur les modalités de leur divorce. Il n’a accordé son feu vert qu’après avoir obtenu la garantie que l’intégrité du Royaume-Uni serait respectée: pas question d’accorder à la seule Irlande du Nord des règles spécifiques pour éviter le retour d’une frontière physique avec la République irlandaise voisine.
Ce n’est pas la première fois que le DUP met des bâtons dans les roues de son partenaire tory. En septembre, il s’était rallié au Labour pour réclamer au Parlement des hausses salariales dans la santé.
L’économie en berne
Après le référendum de juin 2016 sur le Brexit, la livre sterling a dégringolé, entraînant un renchérissement des produits importés – dont les produits alimentaires – et dopant par ricochet l’inflation qui grignote le pouvoir d’achat des ménages. Cela pèse sur la consommation et donc sur l’activité du pays, dont les perspectives de croissance ont été abaissées jusqu’en 2021.
L’incertitude sur la future relation commerciale entre Londres et l’UE pèse de surcroît sur les investissements des entreprises, dont certaines rechignent à dépenser faute de clarté. Le patronat réclame à cor et à cri un accord permettant une transition fluide. De nombreuses sociétés, notamment du puissant secteur financier, sont prêtes à déplacer des emplois en dehors du Royaume-Uni vers le continent si elles ne sont pas satisfaites.
Le Quotidien/ AFP