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Paradis fiscaux : les pays blacklistés par l’UE se rebiffent


Un happening d'Oxfam, le 5 décembre, devant les institutions européennes à Bruxelles. (photo AFP)

La présence de la Mongolie sur la liste noire des paradis fiscaux de l’Union européenne est « un malentendu », a assuré Oulan-Bator mercredi, assurant travailler à fournir des informations fiscales plus « transparentes ». De son côté, la Namibie a vivement protesté contre le fait d’être blacklisté.

Les 28 ministres des Finances de l’UE, réunis mardi à Bruxelles, se sont dotés d’une liste noire de 17 pays considérés comme des paradis fiscaux opérant hors de leurs frontières, une première pour l’Union. La Mongolie, vaste pays peuplé de seulement 3 millions d’habitants, fait partie des pays épinglés, mais pour le ministre des Finances Khurelbaatar Chimed, « c’est un malentendu ». « Nous sommes sur la liste seulement parce qu’il est difficile d’obtenir des informations et données fiscales » sur les comptes bancaires en Mongolie, a-t-il indiqué.

Bruxelles avait contacté Oulan-Bator en juin à ce sujet. L’UE exige « de suivre des normes internationales et de lui donner des informations sur les Européens ayant des comptes et investissements en Mongolie », selon le ministre. Mais pour le faire, Oulan-Bator doit « modifier ses lois et réformer son système fiscal », ce qui prend du temps, plaide-t-il. Certes, il reconnaît volontiers l’opacité du système bancaire en l’état actuel de la législation locale, mais « nous allons travailler à rendre le système d’informations fiscales transparent et responsable », martèle Khurelbaatar Chimed.

Certains responsables politiques mongols avaient été cités en 2016 dans les Panama Papers comme ayant des comptes bancaires offshore. Suite au scandale, le parlement mongol avait adopté en avril 2017 une « loi de prévention des risques de conflit d’intérêt » interdisant de telles pratiques.

« La Namibie est une victime »

La Namibie, elle-aussi parmi les blacklistés, a dénoncé de son côté avec force une décision « injuste, partiale, partisane, discriminatoire et biaisée », mesure que Windhoek a attribuée à un problème de « communication » avec les autorités de Bruxelles. Devant la presse, le ministre namibien des Finances Calle Schlettwein a reconnu avoir dépassé la date-butoir fixée par l’UE pour répondre à ses questions sur le sujet. « En raison d’un problème de communication, nous n’avons pas respecté une date-limite, mais cela ne fait pas de la Namibie un pays non-coopératif ou un paradis fiscal », s’est-il défendu. « La Namibie ne peut être considérée selon aucun critère objectif comme un paradis fiscal », a argué Calle Schlettwein, « la Namibie est même plutôt victime des mouvements de capitaux illicites, ainsi que cela a été montré dans les Paradise Papers ».

Les 28 pays de l’UE ont adopté mardi une liste noire de 17 paradis fiscaux exerçant leurs activités hors de leurs frontières, assortie de sanctions s’ils ne se plient pas aux demandes européennes. La Namibie est le seul pays d’Afrique subsaharienne figurant sur cette liste. Parmi les critères retenus par l’UE figurent la transparente et l’équité fiscales, ainsi que la mise en place de mesures contre l’optimisation fiscale agressive.

Calle Schlettwein a demandé à l’UE de corriger rapidement sa liste qui, a-t-il dit, a compromis « l’excellente réputation (de son pays) en tant démocratie politiquement stable ». « La Namibie a une petite économie ouverte avec un système fiscal fondé sur les principes d’égalité et d’équité », a-t-il insisté. Ces dernières années, des articles de presse ont accusé le système bancaire namibien d’accueillir des fonds étrangers d’origine douteuse. Le gouvernement a récemment renforcé les pouvoirs de l’agence en charge du contrôle des flux financiers.

De la Tunisie à la Corée du Sud

Le ministère tunisien des Affaires étrangères a dit dans un communiqué « sa surprise et son mécontentement » et réclamé une « révision de cette classification dans les plus brefs délais ». De son côté, la fédération patronale tunisienne Utica a appelé le gouvernement à « accélérer les démarches nécessaires pour reprendre le dialogue avec l’Union européenne ». Toujours en Tunisie, des responsables économiques et dirigeants politiques ont mis en cause le manque de réactivité des autorités pour rassurer l’UE, en comparaison notamment avec le Maroc, un temps mis en cause mais qui ne s’est pas retrouvé sur la liste noire.

Au Panama, le ministre de l’Économie et Finances Dulcidio De La Guardia a dit, via Twitter, « rejeter l’inscription arbitraire et discriminatoire du Panama sur la liste des paradis fiscaux de l’Union européenne ». Le pays est au cœur de l’un des plus retentissants scandales récents d’évasion fiscale, les Panama Papers. Même son de cloche du côté de Macao. Le territoire chinois semi-autonome a jugé la décision « partiale » et ne reflétant « pas la véritable situation » de Macao. « Les autorités ont activement coopéré avec la communauté internationale », y compris avec l’UE pour lutter contre l’évasion fiscale transfrontalière, ajoute un communiqué gouvernemental.

La Corée du Sud a, quant à elle, dénoncé une décision qui va « à l’encontre de standards internationaux » et qui pourrait « porter atteinte à la souveraineté fiscale ». Un communiqué du ministère des Finances souligne que Séoul « a établi des systèmes efficaces pour échanger des renseignements fiscaux » dans le cadre de traités signés avec des pays étrangers.

Le Quotidien/AFP