Dans la bataille contre la voiture en ville, Singapour contrôle le nombre d’automobiles autorisées à circuler sur son espace limité en exigeant le paiement d’une licence de 31 000 euros environ par véhicule, et le pays dépense des millions dans les transports en commun.
Frapper l’automobiliste au portefeuille avec un « droit de circuler » qui porte le coût d’une berline de moyenne gamme à plus de 50 000 euros a fait ses preuves dans la ville-Etat d’Asie du Sud-Est. La circulation y est relativement fluide comparé à d’autres métropoles de la région aux embouteillages montres, comme Jakarta ou Manille.
L’obligation draconienne consistant à posséder une licence hors de prix — Certificate of Entitlement (COE) — est cependant difficile voire impossible à reproduire dans d’autres pays, tant elle est spécifique à Singapour.
Imposer un COE est possible dans ce pays à la population habituée à une législation très stricte. Les médias sont étroitement contrôlés et les délits sévèrement réprimés, y compris les incivilités telles jeter un papier par terre ou faire des graffitis.
Toutefois, ce modèle unique de licence est de plus en plus critiqué en raison d’embouteillages aux heures de pointe et d’une forte augmentation des prix des voitures après le gel par les autorités du nombre total d’automobiles autorisées à circuler, auxquels s’ajoutent des pannes dans les transports en commun.
Six fois plus cher
Les autorités devraient faire « une distinction entre ceux qui ont besoin d’une voiture pour le travail ou la famille, et ceux qui veulent simplement plus de voitures pour le statut social », confie Joel Lee, un technicien de 28 ans plaidant pour un système « amélioré et plus juste ».
Actuellement, l’achat d’une licence coûte près de 50 000 dollars de Singapour (31 000 euros), ce qui porte le prix d’achat d’une Toyota Corolla à 114 000 dollars de Singapour (72 000 euros).
La voiture peut coûter encore plus cher dans la mesure où le prix du COE varie en fonction de la demande. Ainsi, en 2013, la licence culminait à 95 000 dollars de Singapour (60 000 euros), portant alors le prix de la même voiture à 159 000 dollars de Singapour (100 000 euros) — environ six fois plus qu’aux États-Unis à l’époque.
La licence est valable dix ans, après quoi elle doit être renouvelée ou la voiture retirée de la circulation.
Malgré le coût très élevé d’une voiture, beaucoup d’habitants de ce pays où vivent de nombreux riches expatriés et millionnaires en possèdent une. Environ 600 000 véhicules privés sont en circulation dans l’archipel, un nombre élevé pour un réseau routier limité.
Outre le coût de la licence, des péages sont actionnés sur certaines routes lorsque le trafic est dense.
Pour atténuer ces mesures coûteuses, Singapour dispose d’un réseau de transport public moderne, comprenant des lignes de métro, trains et bus. Et le gouvernement a récemment annoncé un plan de 28 milliards de dollars de Singapour (18 milliards d’euros) pour moderniser ce réseau et les espaces publics, en vue d’inciter les habitants à prendre les transports publics, le vélo ou marcher.
« Très frustrant »
Mais certains ne sont pas convaincus, à l’image de Jason Lin, un retraité de 66 ans: « Le gouvernement essaye d’alléger le nombre de voitures en ville, mais vous avez un réseau ferroviaire qui n’est pas très fiable. Et si vous prenez le bus, cela prend beaucoup de temps car il y a beaucoup de voitures. Ça peut être très frustrant », dit-il.
Par ailleurs, Singapour a jusqu’ici peu promu la voiture électrique, contrairement à Hong Kong — centre financier rival — privilégiant les transports en commun. Un service d’autopartage de véhicules électriques doit cependant y être lancé en décembre par BlueSG, une filiale du groupe français Bolloré.
D’autres grandes agglomérations ont des approches comparables à celles de Singapour pour réduire le nombre de voitures à essence en ville, telles Londres avec son système de péage urbain et Paris avec la circulation alternée les jours de forte pollution atmosphérique.
Mais des experts estiment qu’il est peu probable d’instaurer une licence au prix dissuasif ailleurs qu’à Singapour, dans la mesure où une telle mesure serait trop risquée politiquement.
« Le COE n’est pas très populaire, et tout gouvernement qui mettrait en place ce type de mesure dans un autre pays risquerait de perdre les élections », déclare Vivek Vaidya, expert en transport au cabinet-conseil Frost and Sullivan.
Le Quotidien/ AFP