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A Londres, une séance de speed dating façon Scrabble érotique


pour coller à ces impératifs, les règles du Dirty Scrabble ont été réduites au strict minimum: pas de points, 11 lettres au lieu de 7, et le droit de prendre des libertés avec l'orthographe (photo: AFP)

A Londres, d’aucuns ont eu l’idée de réinventer les règles du Scrabble pour pimenter les soirées de speed-dating, transformant le vénérable jeu de plateau septuagénaire en petit abrégé de dictionnaire érotique.

L’événement porte le nom de « Dirty Scrabble » et attire en ce pluvieux soir d’automne une petite vingtaine de Londoniens, jeunes et moins jeunes, réunis dans le confortable salon privé d’un pub de Hammersmith, quartier animé de l’ouest de la capitale britannique.

Musique branchée, lumières tamisées, bougies, cocktails et jeu coquin: tout est réuni pour permettre à ces célibataires de faire connaissance, et plus si affinités.

C’est Jordi Sinclair, jeune entrepreneur spécialisé dans l’organisation de soirées ludiques, qui a eu l’idée de mixer ainsi speed dating et Scrabble libertin.

« Délier les langues »

« Le Scrabble c’est sympa, mais pour faire des rencontres, c’est sans doute un peu trop sage », explique ce trentenaire, tee-shirt noir et jeans déchirés.

Difficile de lui donner tort: jeu de patience requérant un maximum de concentration, le Scrabble s’accommode mal du rythme effréné et de la tension émotionnelle inhérents aux rencontres chronométrées du speed dating.

Alors pour coller à ces impératifs, les règles du Dirty Scrabble ont été réduites au strict minimum: pas de points, 11 lettres au lieu de 7, et le droit de prendre des libertés avec l’orthographe.

Mais il faut surtout, insiste Jordi Sinclair, trouver les mots « les plus sexy possible », sans censure, restriction ni tabou. Cela « permet de délier les langues », assure-t-il. « Et il est certainement plus facile de parler de sexe quand c’est écrit sous votre nez ».

Assis autour d’une partie de Scrabble, les célibataires ont sept minutes pour jouer et discuter, avant de passer à la table suivante.

Sur les plateaux de jeu, l’enchaînement des mots, voulu ou non, a de quoi faire sourire, et finit parfois par ressembler à une conversation libertine.

« Parfois, l’usage d’un langage décalé permet de faire tomber les barrières. On rit, on est plus à l’aise », poursuit Neil Shah, grand gaillard de 40 ans en pull rose et chemise blanche, selon qui ce type de rendez-vous permet de renouer avec la « conversation », un « art qui se perd », la faute aux « tweets et textos ».

Encore mieux qu’une app

Le virtuel, non merci, abonde Tamara Jacobs, qui préfère de loin ces rencontres en chair et en os aux applications spécialisées sur téléphone portable.

« Je n’ai pas le temps de m’amuser à éplucher un catalogue de mecs (sur internet) pour essayer de savoir qui en vaut la peine », souligne cette brune volcanique de 34 ans, robe à fleurs et décolleté sexy.

Sur son plateau de Scrabble, l’un des participants pose « jouir ». « Waouh, ça commence à devenir sérieux! », s’exclame-t-elle aussitôt en riant.

De fait, les mots reliés les uns aux autres créent parfois des combinaisons pour le moins suggestives: « Mordiller l’oreille », ou bien « Croque-moi, septième ciel ».

Et si le courant ne passe pas entre deux célibataires, le Scrabble permet d’éviter les silences pesants.

« Vous pouvez jouer quelques mots en pensant à votre prochaine question, sans être là, paralysé comme un lapin devant les phares d’une voiture », explique Dave Anthony, 32 ans, tee-shirt et barbe de trois jours.

En fin de soirée, les convives communiquent à Jordi Sinclair, sous le sceau du secret, les noms des personnes qu’ils souhaitent revoir, avec l’espoir, peut-être, d’avoir enfin trouvé l’âme sœur.

Car, comme beaucoup de grandes villes, Londres cultive ce curieux paradoxe voulant qu’il y est parfois difficile de nouer des relations amoureuses, malgré ses millions d’habitants et la profusion de lieux de rencontre.

Sans attendre les résultats, deux participants quittent le bar, en couple. Le Dirty Scrabble leur aurait-il donné des idées?

Le Quotidien/ AFP