L’arrivée au pouvoir des nazis et la fin misérable d’un des plus odieux d’entre eux ont inspiré les jurys du Goncourt et du Renaudot qui ont remis lundi leur prix à Éric Vuillard pour « L’ordre du jour » et Olivier Guez pour « La disparition de Josef Mengele ».
La plus prestigieuse récompense littéraire du monde francophone a été attribué à Éric Vuillard pour son récit saisissant sur l’arrivée au pouvoir d’Hitler, l’Anschluss et le soutien sans faille des industriels allemands à la machine de guerre nazie.
Le prix Renaudot a pour sa part été attribué à Olivier Guez pour « La disparition de Josef Mengele » (Grasset), un roman hallucinant mais vrai sur les dernières années du médecin tortionnaire d’Auschwitz, Josef Mengele.
Aucun des deux livres récompensés n’est un roman. Mais, « c’est un livre fulgurant », s’est justifié Bernard Pivot, le président de l’académie Goncourt. « Le livre est une leçon de littérature par son écriture », a-t-il ajouté.
Ces deux hommes, dont les livres prennent pour cadre commun l’Allemagne nazie, succèdent à deux femmes aux palmarès, Leïla Slimani lauréate du Goncourt l’an passé et Yasmina Reza qui avait remporté le Renaudot.
« On est toujours surpris, fatalement. Ça me fait extrêmement plaisir », a réagi Éric Vuillard, au milieu du brouhaha du restaurant Drouant, non loin de l’Opéra de Paris, où est proclamé le Goncourt.
Interrogé sur la réaction de la ministre de la Culture Françoise Nyssen, qui fut à la tête des éditions Actes Sud qui éditent Eric Vuillard, l’écrivain a confié: « elle m’a dit qu’elle était ravie ».
« L’ordre du jour » s’est imposé au 3e tour de scrutin, par 6 voix contre 4 à « Bakhita » (Albin Michel) de Véronique Olmi. Les deux autres auteurs en lice étaient Alice Zeniter pour « L’art de perdre » (Flammarion) et Yannick Haenel pour « Tiens ferme ta couronne » (Gallimard).
Des quatre finalistes du Goncourt, l’auteur de 49 ans était le seul auteur dont le livre n’est pas sorti lors de la rentrée d’automne mais au printemps.
‘Abject et médiocre’
Éric Vuillard a une façon unique de se glisser dans les coulisses de l’Histoire pour donner à ses lecteurs une autre grille de lecture d’événements a priori archi-connus.
Après la chute de l’empire Inca (« Conquistadors », 2009), la conquête coloniale (« Congo », 2012) et la Révolution française (« 14 juillet », 2016), « L’ordre du jour » est l’occasion de revisiter l’arrivée au pouvoir des nazis.
Orfèvre en écriture, l’auteur a choisi de raconter l’Histoire en insistant sur les détails. Une hérésie ? Sûrement pas ! « La vérité est dispersée dans toute sorte de poussière », écrit-il.
En seulement 160 pages, l’écrivain au regard implacable – rien n’est inventé, tout est vrai – embrasse de façon magistrale cette tragédie européenne du XXe siècle. Il prouve que l’histoire est toujours une autre manière de regarder le présent.
Le prix Goncourt est doté d’un chèque de dix euros, mais l’enjeu est autrement plus important. Un roman primé s’écoule, selon les cas, de 200.000 à 500.000 exemplaires.
Pour parler du docteur Mengele, un « sale type », connu pour ses expériences sur les jumeaux qu’il sélectionnait sur la rampe des chambres à gaz, « il n’était pas question de faire de la métaphore », confiait récemment à l’AFP Olivier Guez, écrivain et scénariste âgé de 43 ans.
Trois ans d’écriture et de recherches, notamment au Brésil – où Guez a retrouvé la ferme où Mengele s’était terré -, ont été nécessaires pour aboutir à « La disparition de Josef Mengele ».
Se coltiner ce « personnage abject et médiocre » n’a pas été une sinécure. « Ça a été compliqué de cohabiter avec Mengele. Mais à un moment il faut monter sur le ring. L’affronter ».
Olivier Guez s’est imposé après six tours de scrutin.
Enfin le prix Renaudot Essai a été décerné à Justine Augier pour « De l’ardeur » (Actes Sud).
Le Quotidien / AFP