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Le bitcoin, « une grande chance » pour le Luxembourg


A New York, Bali et Dubai par exemple, on peut déjà «vendre un appartement en bitcoins». (illustration AFP)

Le bitcoin a dépassé, vendredi, la barre des 7000 dollars (plus de 6000 euros), un record depuis sa création en 2009 où il ne valait que quelques centimes.

Le Quotidien s’est penché sur le phénomène et a interrogé deux Luxembourgeois utilisateurs de la devise : Felix Weis, qui a fait un tour du monde en payant avec des bitcoins, et Robert Bigdowski, qui a lancé une pétition afin qu’elle devienne la deuxième monnaie légale du Grand-Duché.

Le bitcoin est la monnaie virtuelle de tous les records. Jeudi et pour la première fois de son histoire, il atteignait la barre des 7 000 dollars (6 024 euros) avant de la dépasser. En février 2009, lors de son lancement, personne ne pouvait s’imaginer qu’il atteindrait des sommets, car à cette époque il ne valait que quelques centimes. Et au début de cette année, il se trouvait encore en dessous des 1 000 dollars. Cette première cryptomonnaie est un phénomène qui a attiré l’attention de deux Luxembourgeois : Felix Weis et Robert Bigdowski.

photo archives Editpress

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Le premier, originaire de Berdorf et âgé de 30 ans, a fait un tour du monde en payant uniquement avec des bitcoins. «J’ai commencé mon tour en janvier 2015 à Berlin et j’y suis revenu en juillet 2016», raconte-t-il au Quotidien. Pendant son périple, le jeune homme a traversé «27 pays et 50 villes différentes». Il est même allé en Grèce au moment où les banques du pays fermaient. «Je suis allé à Cuba et au Venezuela», dit-il.

Plébiscité dans la Silicon Valley

Là-bas, le bolivar, la monnaie locale, a perdu 90% de sa valeur ces douze derniers mois. «Le bitcoin est une alternative à la devise nationale», explique-t-il. D’ailleurs, dans ce pays d’Amérique du Sud, «l’électricité est gratuite et elle est utilisée pour faire du minage», informe Felix Weis, qui a découvert le bitcoin en 2012. Pour lui, il a été plus facile d’utiliser cette devise virtuelle aux États-Unis, plus précisément «à San Francisco et dans la Silicon Valley», où l’ancien étudiant en informatique a ressenti beaucoup d’enthousiasme à son égard.

Felix Weis a choisi pendant son voyage de ne pas utiliser de carte de crédit. Afin de pouvoir acheter des biens, il a dû convertir ces bitcoins en «monnaie réelle».

Le Berdorfois dit avoir signé la pétition n°829 de Robert Bigdowski, déposée sur le site de la Chambre des députés en juillet 2017 et clôturée le 31 octobre avec 115 signatures électroniques. «C’est un concept très intéressant de faire ça au niveau gouvernemental», pointe-t-il. Il nous confie que si un jour il créait sa propre entreprise, il serait «heureux de payer ses impôts avec des bitcoins».

Des appartements vendus en bitcoins

photo DR

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Robert Bigdowski, fonctionnaire communal à Dudelange, a lancé cette pétition après avoir lu que le bitcoin était un moyen légal de paiement au Japon. «J’ai cru que c’était une bonne idée» que la devise électronique la plus connue devienne un moyen de paiement légal au Grand-Duché. Selon l’auteur de la pétition, si le pays avait adopté le bitcoin comme deuxième devise légale, il aurait une meilleure image.

En juillet 2016, l’une des plus vieilles plateformes d’échange de bitcoins, Bitstamp, s’installait au Luxembourg. La Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), le gendarme de la Place, a été la première autorité en Europe à porter de l’intérêt au sujet. Robert Bigdowski assure qu’au Japon il y a «un vrai commerce qui se développe» autour du bitcoin. Et ailleurs aussi, puisque, à New York, Bali et Dubai, on peut déjà «vendre un appartement en bitcoins».

Utilisateur de la devise électronique depuis six mois, le pétitionnaire affirme ne plus voir «d’enthousiasme» pour la monnaie symbolisée par un B barré. Il rapporte aussi que l’on trouve «très peu de jurisprudence là-dessus. On ne sait pas comment c’est taxé», souligne-t-il.

Adopter le bitcoin comme deuxième monnaie légale serait selon Robert Bigdowski «une grande chance» pour le pays. Il pense qu’il faut donner un vrai cadre juridique et fiscal à la devise, pour déterminer si elle est taxable et à quelle hauteur. «Si on ne réagit pas maintenant, on va régresser», prévient-il.

Interrogé par nos soins sur une éventuelle intention du Luxembourg de légiférer sur le bitcoin, le ministère des Finances a répondu qu’il n’y avait pas «de projet de légiférer» sur la devise électronique, mais que «les autorités luxembourgeoises suivent de près le développement dans le domaine des monnaies virtuelles».

Aude Forestier

Où acheter cette devise ?

Il existe trois manières d’acquérir cette monnaie virtuelle. On peut passer par un ETN (Exchange Traded Note), une dette émise par une banque qui est traitée sur un marché en particulier.

Ou encore utiliser un portefeuille qui permet de recevoir, de conserver et aussi de dépenser sa monnaie. Il en existe des «physiques», comme celui développé par l’entreprise Trezor.

Sinon, il est possible de passer un ordre sur la plateforme Bitstamp. D’autres devises existent, comme le litecoin (LTC) et l’ether (ETH).

«On devrait l’interdire»

Le Quotidien avait demandé à ses lecteurs de témoigner sur le thème de cette cryptomonnaie qui défie la chronique. Voici ce qu’ils nous ont répondu.

« Je ne suis pas utilisatrice du bitcoin et ne pense pas en acheter et, surtout, il me semble que l’on devrait purement et simplement l’interdire. À chaque crise, on craint une guerre des devises, pas la peine d’en rajouter », nous a écrit Juliette Ming en réponse à l’appel à témoignages posté sur notre site internet.

Selon elle, «l’innovation n’est pas toujours utile et peut parfois être dangereuse». Il lui semble que «le bitcoin a tout ce qu’il faut pour rentrer dans cette catégorie d’innovation inutile, car il semble n’être qu’une monnaie de spéculation dont le seul avantage par rapport aux devises existantes est l’anonymat». Elle estime en outre que «le bitcoin n’apporte rien de nouveau, ne complète en rien les marchés financiers, qui disposent d’assez d’actifs sous-jacents pour qu’il n’y ait pas besoin d’en créer de nouveaux». Elle ajoute qu’il faut «interdire les plateformes d’échange de bitcoins, comme l’ont fait la Russie et la Chine».

« Une bulle spéculative qui imploser »

De son côté, l’ancien député européen socialiste Robert Goebbels nous a répondu que «le bitcoin et toutes ces monnaies virtuelles créées à partir de rien ne sont qu’une bulle spéculative qui implosera immanquablement». Les personnes qui lancent les monnaies virtuelles «encaissent au départ», selon l’ancien homme politique. «Ceux qui les achètent peuvent gagner de l’argent tant qu’il y aura d’autres néophytes crédules qui succombent au rêve du « toujours plus ».

Or, viendra immanquablement le jour où il y aura plus de vendeurs que d’acheteurs et là, le système s’écroulera rapidement», prévient-il. «Ces monnaies virtuelles, continue-t-il, ne représentent en fait rien, un vide absolu.» Il estime également que «la meilleure preuve que les monnaies virtuelles relèvent de l’escroquerie est le fait que les cotations se font en dollars et que les vendeurs se font toujours payer en dollars palpables».

Enfin, Christophe Gonay, directeur administratif et financier d’HashOmega, une entreprise installée à Esch-sur-Alzette qui accepte les cryptomonnaies comme moyen de paiement, nous a dit qu’il était un utilisateur du bitcoin et qu’il avait l’intention d’en acheter. «Cette monnaie est légale dans pas mal de pays dans le monde et certain sont en train de développer leur propre monnaie nationale», nous informe-t-il.

Aude Forestier