Depuis quatre semaines, Boban B. comparaît avec neuf autres prévenus devant le tribunal correctionnel pour avoir mené un important trafic de drogue entre 2012 et 2014. Vendredi, c’était à son tour de s’expliquer.
Comment Boban B. pouvait-il financer son train de vie? Pour les enquêteurs, il n’y a qu’une réponse : grâce à son trafic de drogue. À la barre vendredi, lors du 12e jour du procès, le principal prévenu a qualifié l’enquête de «blague»: «Où sont les 160 kg de marijuana dont on parle, où sont cesmillions que j’aurais gagnés? Qu’on me le prouve! On m’accuse à partir de simples déclarations.»
« J’ai gagné de l’argent de tous les côtés. Pas seulement avec de la drogue. Je sais que j’ai vendu plus de 100 voitures. Pourquoi les enquêteurs en ont-ils seulement compté 38? » Dès le début de son audition vendredi, Boban B. (32 ans) a fait comprendre qu’il n’était pas d’accord avec les conclusions des enquêteurs. Et il ne s’est pas gêné pour couper plus d’une fois la parole au président qui donnait lecture du dossier. «Vous nous avez déjà condamnés? Comment pouvez-vous dire des choses pareilles?»
S’il a vendu de la marijuana, explique-t-il, c’était pour déceler où se trouvaient les cultures. Son objectif aurait été d’en rafler la récolte.
«Frank V. est la victime dans cette histoire»
C’est pour cela qu’il se serait rendu avec Kevin K. à Trooz (B), chez Frank V. «Frank V. a eu la malchance de nous rencontrer à Bruxelles. Il connaissait des gens avec des cultures de cannabis. Au fur et à mesure, on a collecté des infos. C’est la victime dans cette histoire», raconte Boban B. Une chose est néanmoins sûre, selon le trentenaire : à aucun moment, Frank V. ne leur aurait livré des drogues. «On s’est juste rendus chez lui pour obtenir des informations. Je faisais semblant de vouloir monter ma propre culture», explique-t-il pour justifier ses nombreux voyages.
Or ces déclarations divergent fort de celles qui figurent dans le dossier. Boban B. y affirme notamment que Frank V. aurait été un de ses fournisseurs de marijuana. « Jusqu’à maintenant, je n’ai encore jamais dit la vérité», finit-il par lancer au tribunal. «Et pourquoi devrions-nous vous croire aujourd’hui?», lui rétorque le président. – «Je n’ai pas dit que j’allais dire aujourd’hui la vérité. Ce que raconte la police, c’est une blague…»
Il risque entre 15 et 20 ans de réclusion
Il poursuit : «Je n’ai rien à perdre. Vous ne pouvez pas me condamner à mort. Le reste est temporaire.» Quand le président le rend attentif au fait qu’il risque entre 15 et 20 ans de prison pour les faits qui lui sont reprochés, sa réponse est la suivante : «Alors, c’est ainsi!»
«Si vous n’avez rien à perdre, c’est étonnant que vous ne vouliez pas dire la vérité», le relance le président. Il ne bougera pas d’un iota. «Frank V. n’a pas fourni de drogues.» Ce dernier a été incarcéré en 2013. Boban B. dit avoir continué d’être à la recherche d’une culture qu’il pourrait rafler. C’est alors qu’il se serait tourné vers des dealers aux Pays-Bas. Pour accroître ses chances d’obtenir des informations, il aurait acheté de la marchandise.
«Vous voulez que je pleure?»
Plus d’une fois, le président a tenté de raisonner le prévenu concernant le sérieux de la situation. «Votre sursis de sept ans risque de tomber. C’est important que vous compreniez. » La réaction de Boban B. : «Vous voulez que je pleure, que je vous supplie?» – «Non, mais que vous preniez le tout un peu plus au sérieux»
L’audition de Boban B. a duré une bonne heure. Le tribunal a tenté de savoir d’où il avait tiré son idée de rafler une culture de cannabis. Et Boban B. d’expliquer qu’en prison on apprend beaucoup de choses: «Vous savez, le simple voleur de cigarettes se retrouve avec les braqueurs de G4S. Si on attaque un dealer, qu’est-ce que ce dernier peut bien faire?»
Depuis son arrestation fin octobre 2015, Boban B. a déjà changé deux fois d’avocat. «Pourquoi?», s’intéresse le président. – «Car tous les deux ne valaient rien.»
L’audition de Boban B. est loin d’être terminée. Après le volet marijuana, c’est le volet cocaïne qui attend le prévenu. Suite des débats le 7 novembre.
Fabienne Armborst
« Venus pour le café, pas pour la drogue »
Il n’a jamais vendu de drogue à Boban B. et Kevin K. Il n’y a pas non plus eu de culture de marijuana à Trooz (B) avant qu’il soit incarcéré en 2013. C’était le refrain de Frank V., le premier prévenu entendu, jeudi, à la barre avant qu’il annonce qu’il n’avait pas envie d’en dire plus. Le tribunal ne s’en est pas arrêté là. Par tous les moyens, il a essayé de lui tirer les vers du nez vendredi. « Ils vous ont mis un localisateur GPS sous votre voiture. Vous leur avez filé votre adresse à Trooz. Ils sont apparus plusieurs fois chez vous. Il doit y avoir une explication », récapitulait ainsi le président. Pas de réponse.
Frank V. s’était montré très peu loquace la veille, une phrase n’avait toutefois pas échappé au tribunal : «Boban n’a jamais pris la route avec les drogues. Ça c’était Kiki.» «Cette info, je la tiens du dossier. Pendant 24 heures, j’ai dû écouter les enquêteurs dans ce procès», a-t-il tenté tant bien que mal de se défendre vendredi.
Au bout d’une demi-heure, le président armé de beaucoup de patience a fini par lâcher: «Ils ne sont quand même pas venus à Trooz pour prendre le café?» D’un seul coup, le prévenu requinqué a acquiescé: «Si, c’était pour prendre le café!» À l’époque il aurait appelé Boban B. parce qu’il planifiait un braquage et avait besoin d’une voiture volée en France… Voilà une première explication pour les nombreux voyages à Trooz. Les autres, le tribunal les attend toujours. «Je sais que suis un personnage bizarre. Je vis avec ma femme et 20 animaux. Je ne travaille ni pour la police ni pour le parquet», a ajouté Frank V.
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