Si les finances publiques sont encore soutenables aujourd’hui, à plus long terme, elles vont sacrément se détériorer selon les projections du CNFP qui recommande des mesures imminentes par souci d’équité intergénérationnelle.
Pour le moment, tout va bien. À moyen terme, ça peut encore passer, mais à l’horizon 2060 la dette risque d’exploser. Le Conseil national des finances publiques (CNFP) vient de publier son «Évaluation de la soutenabilité à long terme des finances publiques» dans l’optique d’une augmentation des dépenses liées au vieillissement de la population qui passeraient de 19,2 % du PIB en 2018 à 25,9 % du PIB en 2060, soit une augmentation de plus d’un tiers (6,7 points).
Communément, les finances publiques sont considérées soutenables lorsque les administrations publiques sont capables d’assurer à long terme le financement de leur dette publique ainsi que de l’ensemble de leurs dépenses futures avec leurs recettes futures et à politique budgétaire constante.
Le CNFP a examiné neuf scénarios alternatifs reposant sur des hypothèses moins favorables que le scénario principal. «Dans l’interprétation de ces résultats, il est important de noter que des scénarios plus favorables pourraient également se réaliser», précisent les auteurs du rapport.
Dans le scénario principal, le CNFP estime que le ratio d’endettement public dépasserait le seuil de 30 % du PIB dès 2033. Le seuil de 60 % du PIB fixé par l’UE serait dépassé à partir de 2043 et il atteindrait les 161 % du PIB en 2060. «Sur base du critère de l’évolution du ratio d’endettement public et à politique constante, le Luxembourg fait ainsi face à un risque certain concernant la soutenabilité à long terme des finances publiques», indique le rapport. Par ailleurs, le pays est confronté à un risque élevé dans huit des neuf scénarios alternatifs. «Le ratio d’endettement public en 2060 se situerait entre 149,5 % et 221,2 % du PIB selon le scénario retenu», précise le CNFP. Il ajoute que le Luxembourg figure parmi les États membres qui présentent les risques les plus élevés, voire se trouve être l’État membre au risque le plus élevé.
Nécessaires ajustements
Pour le scénario principal, les auteurs du rapport se fondent sur les hypothèses démographiques, économiques et financières retenues actuellement par les autorités publiques. La projection démographique est basée, par exemple, sur une croissance de la population avec une projection de 1,14 million d’habitants à l’horizon 2060. «Une telle croissance démographique serait très importante en comparaison internationale, alors que, pour l’ensemble de l’UE, la population s’accroîtrait de 15,6 % entre 2013 et 2060, celle du Luxembourg augmenterait de 110,5 %, donc ferait plus que doubler au cours de la même période», relèvent-ils.
L’objectif budgétaire à moyen terme (OMT) «repose sur l’hypothèse d’un solde budgétaire visant à stabiliser la dette publique à un niveau de 60 % du PIB ainsi que sur le financement d’un tiers des dépenses futures liées au vieillissement». «En application des principes établis au niveau européen, on aboutit à un OMT minimal de -0,5 % du PIB pour le Luxembourg. Ceci correspond à l’OMT retenu par le gouvernement pour la période 2017 à 2019. Par contre, si l’objectif est de maintenir la dette publique en dessous de 30 % du PIB à long terme, l’OMT minimal devrait se situer à +0,25 % du PIB dans le scénario principal», prévient le CNFP.
Ce niveau qui reste «modéré» s’explique notamment par le fait que l’OMT minimal vise à assurer uniquement le financement d’un tiers des dépenses futures liées au vieillissement, alors que les indicateurs de soutenabilité couvrent le financement de la totalité de ces dépenses. «Comme deux tiers de ce coût demanderaient cependant encore à être financés, des choix politiques s’imposeront évidemment au-delà de cette seule fixation de l’OMT», estime le CNFP dans son évaluation.
Même dans une hypothèse de forte croissance, «les indicateurs de soutenabilité à long terme des finances publiques démontrent clairement que des ajustements importants du système de financement de la sécurité sociale seront nécessaires in fine», conclut le rapport.
Même si les défis se présentent à long terme, des considérations d’équité intergénérationnelle demandent donc la mise en place de mesures à court et moyen terme.
Geneviève Montaigu