« Quand je suis malheureux, je peux construire un empire »: le dandy-crooner anglais Baxter Dury ramène sa pop décalée avec l’album « Prince of Tears », né d’une rupture sentimentale, dans lequel il a fini par troquer ses sanglots longs pour des violons.
Parfois, les histoires d’amour qui finissent mal font des disques remarquables et pas nécessairement déprimants. C’est le cas du 5e opus de Baxter Dury, dans les bacs vendredi.
« Je suis de ceux que la tristesse aide à faire des choses. Si je ne vis pas une période tourmentée, je ne fais rien. Je dors, je regarde +Game of Thrones+, je mange du chocolat. Cet état ne m’inspire pas. Chez moi, c’est un peu marche ou crève. La mélancolie est un moteur, ça fait de moi quelqu’un de masochiste », confie à l’AFP, sourire en coin, l’artiste de 45 ans.
« L’album est sincère émotionnellement, mais il ne dit pas forcément la vérité », prévient-il avec son accent cockney parfois indéchiffrable. « Il n’est pas autobiographique. Je me contente de dispenser quelques morceaux de vérités brisés », tel l’émouvant « August », qui fait référence « au mois le plus douloureux que j’aie jamais vécu, l’an passé ».
‘Ça devient Star Wars’
Baxter Dury crée aussi des personnages pathétiques dont il se moque, comme sur « Miami ». « C’est une petite frappe qui se rêve gangster, il est un peu délirant, assez arrogant et grossier, il se prend pour un tombeur », décrit-il, sapé d’un costume bleu clair sur une chemise blanche.
Dans « Oi », il règle son compte à un homme brutal. « Ca parle d’un gars qui m’a cassé le nez à l’école. Je pensais pouvoir gagner cette bagarre mais il m’a étalé. S’il se reconnaît, il pourrait coller un sabre sur ma nuque. Il doit croupir probablement en prison. J’espère juste qu’il n’apprend pas à lire le français là-bas. »
Pour donner de l’ampleur à ses tranches de vie chaotiques, Baxter Dury a convoqué un orchestre à cordes. « Je voulais que mon album ait quelque chose de cinématographique. Le plus beau jour, ç’a été lorsque j’ai entendu l’orchestre jouer les partitions que j’avais écrites. Là, tes petites histoires, tout d’un coup ça devient +Star Wars+ », s’exclame-t-il.
Comme à son habitude, Baxter Dury compense son talk-over (parlé-chanté) avec les voix de Madelaine Hart et Rose Elinor Dougall, créant un dialogue permanent et sensuel, comme le faisait une de ses idoles, Serge Gainsbourg avec ses chanteuses. « C’est une combine bien à lui ça. Ca apporte de la douceur et à moi, ça me permet de démasculiniser mes chansons. »
Un père ‘nucléaire’
Sur la pochette de son album, on voit Baxter Dury, vêtu d’un costume blanc, tenter d’escalader une dune dans le désert. Au dos, ce sont juste ses jambes à la renverse que l’on aperçoit, conséquence d’une chute dans le sable.
Rester classe et faire preuve d’humour en toute circonstance, même lorsqu’on a le coeur brisé, tel semble être le leitmotiv du fils d’une des grandes figures du punk, Ian Dury, décédé en 2000 et dont le mode de vie se résumait en trois mots: « sex & drugs & rock’n roll », du nom de son tube de 1977 devenu slogan de toute une génération.
Hasard ou coïncidence, vendredi paraît en même temps que « Prince of Tears », la réédition de l’album « New Boots and Panties!! » sorti 40 ans plus tôt par son père, à côté duquel il posait enfant sur la pochette.
« Je ne savais pas qu’on le rééditait. Je ne suis pas très à l’aise avec ça… J’aime mon père, mais j’évite d’en parler », dit-il la mine sombre, qui finit par s’éclairer subitement: « mon père, c’était quelqu’un de génial, son travail était brillant, indépassable. Il était intelligent, malin comme pas deux. Moi je suis dans une autre catégorie. Il était… nucléaire ».
Le Quotidien / AFP