C’est un Dan Codello grave qui nous a reçu hier. Sa démission du LSAP, son avenir au conseil, sa vision du socialisme, son attachement à Esch : il se confie.
La décision de quitter le LSAP n’a pas dû être facile à prendre.
Dan Codello : J’aurais eu 20 ans de parti le 1er janvier. La décision n’a pas été facile à prendre, c’est certain. J’ai beaucoup réfléchi depuis les élections du 8 octobre. J’en ai discuté avec quelques très bons amis, ceux que l’on compte sur les doigts d’une main. L’accumulation de divergences internes, au niveau tant politique qu’humain, m’a pesé. Je ne voyais plus comment surmonter ces difficultés.
Ma position n’était déjà pas simple à tenir dans la majorité : ça l’aurait été encore moins dans l’opposition. Après avoir écrit ma lettre, j’ai ressenti un soulagement, le sentiment d’avoir fait ce que je devais faire.
« Divergences » avec qui, Vera Spautz?
Je n’ai pas envie de jeter des piques ni de refaire l’élection. C’est une décision importante que j’ai prise. Nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde avec Vera Spautz, c’est sûr. Mais je veux parler du fond : il y a au sein du LSAP-Esch deux ailes politiques qui ne vont pas dans la même direction. Je suis attaché à la social-démocratie, à une gouvernance qui considère les citoyens dans leur ensemble. Vera Spautz veut une gauche plus à gauche, envisagée par le prisme du syndicat. Voilà la vraie différence.
Dans son communiqué, le LSAP-Esch dit que « l’existence de tensions internes était connue, il était prévu d’en discuter lors de plusieurs réunions en novembre ». Vous n’avez pas souhaité attendre ces réunions?
On ne va pas surmonter ces divergences, j’en suis certain. Ces réunions auraient consisté en une série de faux débats, où à la fin, il aurait fallu se ranger derrière la position officielle. Quelle aurait été ma liberté? Rester dans une opposition divisée pendant six ans? Non, je veux siéger au conseil en tant qu’indépendant, comme les textes l’autorisent. Je serai un élu attentif, capable d’interpeller la majorité sur les thèmes qui me sont chers : l’intégration, la gestion du personnel communal, les échanges transfrontaliers ou encore les jumelages… tous les dossiers que j’ai portés pendant ces années, et sur lesquels je pense avoir des connaissances solides.
Donc, vous refusez l’injonction du LSAP, qui vous demande de rendre votre siège gagné grâce à l’étiquette du parti?
Au nom de quoi? Si on analyse les résultats, en prenant en compte les augmentations de la population, je ne perds « que » 130 voix par rapport à 2011. Dans le collège échevinal, je suis l’un de ceux qui perdent le moins! J’assume tout : j’ai porté le programme du LSAP, j’ai fait partie de cette équipe, je prends donc ma part de responsabilités. Je ne fuis pas cette réalité au contraire, j’en tire des conclusions. Mais rendre mon poste d’élu, avec le chiffre que je vous donne et avec le travail que j’ai fait : non. Ma démarche est cohérente, en accord avec mes convictions politiques.
Vous n’avez pas peur de ce pari? Le monde politique va vous tomber dessus. Le président national du LSAP dénonce un « désaveu », d’autres vont dire que c’est de « l’opportunisme »…
Je suis passionné par la politique, mais je ne suis pas opportuniste, ceux qui me connaissent le savent bien.
Je ne veux pas me retrouver dans une opposition LSAP-déi Lénk qui va rechercher l’affrontement en permanence. Ça ne correspond pas à mes convictions. Je suis très attaché à Esch-sur-Alzette, je connais les défis qui attendent notre ville : je serai dans une opposition constructive, capable d’apporter des réponses, comme de dire « non ».
Votre entourage a réagi comment, après votre annonce?
J’ai eu beaucoup de messages de soutien : les gens n’ont pas besoin de lire dans un jeu politique ou je ne sais quoi. Ils comprennent. J’ai reçu des messages plus négatifs, de personnes lointaines et de personnes plus proches. Quelques messages m’ont blessé. Je dis ça à chaud, les changements sont si rapides que je dois prendre le temps d’analyser tout ça.
Allez-vous rester au contact des Eschois, vous qui aimez tellement ça, malgré une plus petite fonction désormais?
Ah oui, c’est dans ma nature de toute façon! J’aime ça moi, aller voir les gens et parler avec eux! Je ne vais plus célébrer sept mariages chaque samedi (il rit). Mais je ne peux pas abandonner ce contact que j’ai avec ma ville et avec ses habitants.
Ça vient d’où cette mentalité? De votre quartier ouvrier, de vos origines italiennes?
(Il sourit encore, commence à parler du match perdu par la Jeunesse contre Niederkorn, etc. On a du mal à le ramener à la politique!) Je pense que c’est Esch qui est comme ça, tous les habitants, pas que ceux de la Hiehl. Et je pense que ça a été une erreur de la campagne : ne parler qu’aux ouvriers, par pure idéologie. Esch a changé, il fallait s’adresser à tout le monde. Esch n’est plus une ville ouvrière comme avant : nous avons gardé quelque chose de cette aventure du fer, nous avons le sens du brassage des nationalités, du contact humain, cette croyance dans un collectif plus fort que les égoïsmes. Ça c’est Esch. Même les Eschois plus aisés pensent comme ça (NDLR : on l’interroge au passage sur le CSV-Esch, composé de profs et de jeunes, qu’on lui demande de comparer avec le CSV ailleurs : « Mais oui ils n’ont rien à voir avec les traditionnels! »)
C’est quoi la suite de votre stratégie? Intégrer un autre parti?
Il n’y a pas de stratégie à long terme derrière ma décision, ce ne sont que des rumeurs. Je ne vais certainement pas intégrer un autre parti, pour le moment je raisonne par rapport à mon cheminement personnel : je veux siéger en tant qu’indépendant au conseil. Je n’ai pas d’amertume. J’ai été triste, j’ai été déçu, mais je me sens encore un devoir à accomplir pour ma ville. Je vois la vie en chapitres : l’un se referme, l’autre s’ouvre, il faut avancer.
Hubert Gamelon
Esch n’est plus qu’une ville ouvrière en effet, c’est un ghetto….merci Madame Spautz & co. – ils ont rendu Esch une ville infréquentable, moche et irrécupérable. C’est triste et franchement je ne crois pas que ce sera possible de revenir en arrière, cela a été bien trop loin.