Le F91 a livré une performance remarquable face au Fola. Et cela correspondait, comme par hasard, au retour de Rodrigue Dikaba dans l’entrejeu.
Opéré du ménisque durant l’été, le milieu de terrain est venu, semble-t-il, commencer à régler le problème d’équilibre qu’a par moments Dudelange. Si le champion en titre a pris trois buts en partie à cause de son infériorité numérique contre le Fola, il a surtout bien joué et maîtrisé totalement sa partie. Un simple hasard?
Àl’heure de jeu, au moment où le Fola, revenu à 2-1, venait de se retrouver en supériorité numérique et commençait à appuyer, Dino Toppmöller a fait exactement ce qui était prévu avant le coup d’envoi : il a demandé à Rodrigue Dikaba comment il se sentait, histoire de ne pas trop tirer sur la corde. Après tout, il s’agissait d’une première titularisation et dans un choc qui plus est. «Je pensais qu’il ne finirait pas», avoue le technicien allemand, très surpris quand son récupérateur lui a répondu que ça allait et qu’il voulait rester sur le terrain : «Je me sentais bien, je ne voulais pas abandonner mes coéquipiers.» «Quelle mentalité! Je pense que si on avait dû jouer 20 minutes de plus, il les aurait jouées…», a savouré Toppmöller…
Il faut dire que cela lui rendait bien service. Il avait relancé Dikaba «pour faire du Dikaba», selon l’analyse abrupte du joueur.
Et il n’a pas été déçu. Surtout parce que depuis quelques semaines, il arrivait au F91 de surjouer et de se mettre en danger à grands coups d’approximations à des endroits du terrain où il ne faut pas. Rien de tout cela contre le Fola. Tous les soucis, évaporés. Comme par enchantement. Juste grâce à un point d’équilibre, avec un gars qui pense à l’équipe avant de penser à sa pomme et qui a les capacités pour qu’une telle philosophie soit suivie d’effets. Dikaba décrit son rôle comme ça : «Que mes coéquipiers soient en confiance quand ils ont le ballon. Il faut organiser, parler, compenser.»
«Avec lui, il y a toujours une prise de risques»
À force de se prendre des contres en pleine figure, depuis quelques semaines, le F91 devait commencer à se poser des questions. Elles n’ont plus lieu d’être, dirait-on. Est-ce un hasard, du coup, si Pokar a sorti son meilleur match depuis des lustres, multipliant les inspirations dans son jeu en profondeur? Cette seule évocation fait rire Dikaba parce que l’Allemand, pour lui, est un petit challenge : «Il arrive toujours à me surprendre avec des passes de classe mondiale. Bon, maintenant, avec l’habitude, je commence à savoir ce qu’il aime faire sur le terrain, mais des fois, ça surprend encore. Et avec lui, c’est normal, il y a toujours une prise de risques.»
Donc un surcroît de boulot presque automatique dès qu’il y a du déchet. Contre le Fola, coup de bol, Pokar était à un taux de réussite qui voisinait le 100 %. Des balles de but, il en a distillé au bas mot quatre et ce n’est pas de sa faute si ses attaquants n’ont converti qu’une de ses offrandes. En attendant, Dikaba, derrière, était prêt à écoper si son collègue avait eu un jour sans à la baguette : «Mais j’accepte parce que le connaissant, s’il n’avait eu que 60 % de réussite à la passe, il y en aurait au moins eu une qui aurait pu faire but! Mais on le laisse faire parce que c’est lui le chef d’orchestre. Et moi, je suis prêt à courir, derrière, pour récupérer le ballon s’il le perd.» Inversons la logique : et si, justement, Pokar avait été aussi bon justement parce qu’il savait que Dikaba était derrière?
C’est ce dont Dino Toppmöller semble intimement persuadé, même s’il l’avoue après avoir loué les qualités «différentes» de tous ses joueurs de l’entrejeu : «Rodrigue encourage beaucoup, rentre dans chaque duel, ne s’arrête jamais. Il a un effet d’entraînement sur tout le monde.» Même sur Pokar, devenu soudainement agressif dans les duels, comme son binôme!
Après trois mois d’absence, la question est maintenant de savoir si le milieu de terrain peut enchaîner sans souci. Il concède avoir eu mal aux muscles hier matin, mais refuse d’envisager laisser passer le match du Progrès sans enchaîner. Collectif par essence, il ne veut pas voir ses coéquipiers retomber dans les travers de la première confrontation avec Niederkorn, avec ses contres malvenus, subis de manière incontrôlée : «On n’est pas des extraterrestres. Des faux pas peuvent arriver. Mais à nous de rester concentrés, d’être toujours dans notre sujet. On avait peut-être besoin de ces claques pour nous réveiller.» Ou d’un Dikaba pour les surveiller.
Julien Mollereau